La région de Kabylie est entrée depuis hier, dans une période de commémoration dominée encore une fois par la protestation. Comment peut-il en être autrement lorsqu'on sait le doute qui s'est installé au lendemain de l'échec du dialogue entre les archs et le gouvernement? Pour la 3e année consécutive, la population de Kabylie est appelée à descendre dans la rue pour appuyer les revendications citoyennes. Pour la 3e année aussi, ce sont les structures des archs qui mèneront la barque en l'absence de forces politiques qui se contenteront de communiqués tout juste pour dire leur existence et la réalité est loin de les inciter à disputer le terrain aux archs. Il faut dire que les récentes expériences du FFS et du RCD ne sont pas de nature à encourager une quelconque aventure dans ce sens. A chaque crise, la région de Kabylie voit naître une structure pour canaliser et orienter la colère citoyenne. En 1980, le Mouvement culture berbère prenait les commandes d'une longue période de lutte pour les libertés démocratiques et la réhabilitation identitaire. Composé d'intellectuels, ce mouvement a su mener le combat pacifiquement avant de se voir fracturé avec l'avènement de pluralisme politique. Convoité, le MCB a fini par céder à la division. La Kabylie entrera alors dans une période de dominance par le FFS et RCD jusqu'au jour où l'assassinat, une bavure de plus, allait sonné le glas d'une période faite de déchirement et de surenchères. Le mouvement citoyen arrive alors pour ressouder les rangs d'une Kabylie unifiée de nouveau pour un combat citoyen autour de revendications reconnues légitimes par tous sans exception. Entre-temps, bien des acquis sont à inscrire dans le registre d'une lutte de 24 années. Outre les libertés démocratiques qui sont devenues réalité avec l'ouverture démocratique, il y a lieu de noter l'avancée dans la question identitaire. La langue amazighe est introduite dans le système éducatif, la communication et tout récemment dans la Constitution algérienne en tant que langue nationale. Aujourd'hui, il reste à parfaire cette avancée en inscrivant le caractère officiel de cette langue de la première loi du pays. Tous les ingrédients sont, en fait, réunis, il suffit d'une volonté politique. Tamazight a besoin de cela, rien que pour s'extraire de la surenchère politicienne. Pour revenir à la célébration de ce double anniversaire, il faut noter ce retour à la rue décidé par le mouvement citoyen. A Béjaïa, deux marches populaires sont inscrites au programme de cette semaine commémorative. Demain, Béjaïa et toute la Kabylie seront paralysés par le mot d'ordre de grève générale lancé par les archs. Deux marches auront lieu successivement à Tizi Ouzou et Béjaïa. Cette dernière sera sanctionnée par une déclaration proclamant «la baptisation de la Maison de la culture au nom de Taous Amrouche». Parallèlement, le mouvement associatif a inscrit des activités sportives et culturelles indépendamment des archs, comme c'est le cas à Akfadou, où l'association du village Hssyen a organisé un tournoi de football à la mémoire des martyrs du Printemps noir. La semaine culturelle lancée, hier, à Amizour sera bouclée par une marche populaire le jeudi prochain, à l'issue de laquelle un meeting sera animé par les délégués de l'interwilayas sur le tracé même où furent interpellés les trois collégiens, un certain 22 avril 2001.