Mohamed Boutrik est un gentil greffier compétent qui a voulu rendre service à un copain. Patatras... Un docteur en psychiatrie, un pharmacien et un greffier de la cour de Blida ont comparu devant le tribunal correctionnel de Boufarik (cour de Blida) pour avoir chevauché le terrain de l'article 228 du Code pénal, un article puisé du titre 1, chapitre VII - Section I, les faux commis sur certains documents administratifs et certificats. Boutrik Mohammed est un exemplaire greffier si gentil, si disponible pour les proches qu'il s'était jeté dans le cratère du volcan «faux» en demandant à un professeur de l'hôpital Frantz Fanon de Blida, la délivrance d'une ordonnance où des «calmants» devaient y figurer à présenter au parquet pour obtenir la liberté provisoire d'un voisin. Le médecin marche. Le pharmacien suit et le trio de bienfaiteurs se retrouve poursuivi et en guise de cerise sur le gâteau, le mandat de dépôt pour l'enfant de la justice i-e le gentil greffier. Ils tombent tous les trois sous le coup du 228 qui dispose en clair: «Est puni d'un emprisonnement de six mois à deux ans et d'une amende de 600 à 6000 DA ou de l'une de ces deux peines seulement, à moins que le fait ne constitue une infraction plus grave, quiconque. 1°/ établit sciemment une attestation ou un certificat relatant des faits matériellement inexacts; 2°/ Falsifie ou modifie d'une façon quelconque une attestation ou un certificat originairement sincère; 3°/ Fait sciemment usage d'une attestation ou d'un certificat inexact ou falsifié.» Le docteur, tout comme le pharmacien et le greffier se sont défendus avec les moyens du bord, c'est-à-dire l'amour du prochain, celui d'aimer, rendre service, de la bonne foi désabusée, voire l'abrutissement car comment Boutrik, cet exemplaire greffier a cru sortir un inculpé de drogue sans encombre, lui qui connaît la justice, le parquet, la police judiciaire, et les juges du siège que beaucoup d'initiés méprisent car ils se laissent faire par les représentants du ministère public qui sont loin d'avoir le solide pouvoir qu'ont les juges du siège. Manque de pot! Nassima Saâda, la présidente de la section pénale de Boufarik est loin d'être sous la botte du parquet. Elle a longtemps écouté les trois inculpés, les deux témoins et les six avocats ainsi que le terrible procureur Lounès Oulmane qui a beaucoup pris de temps durant les débats et le long réquisitoire où il ne voulait savoir que la vérité. Pour lui, il y a eu transaction et un greffier comme intermédiaire! Boualem et Boutrik comparaissent devant Nassima Saâda, la présidente de la section-détenus de Boufarik, cour de Blida, pour faux et usage de faux liés à l'article 228 du Code pénal. L'auteur du faux, le médecin est libre alors que de l'ange est détenu et qui plus est, est greffier à la cour de Blida! L'appareil judiciaire a-t-il tendance à bouffer ses enfants? Boutrik explique à la barre les conditions dans lesquelles il a été inculpé et incarcéré. «Je me suis adressé à ce professeur en psychiatrie pour rendre service à un voisin qui avait besoin d'un certificat médical réclamé par le service. J'ai voulu jouer au héros du quartier, j'ai laissé deux enfants, mon avenir et ma place à la cour de Blida pour avoir voulu être disponible vis-à-vis d'un voisin» a dit le détenu, ému et visiblement démoralisé par ce qu'il a appelée catastrophe. Le psychiatre, lui, était confus et était resté tête baissée durant les débats animés et où les avocats constitués (six) avaient des choses à dire alors que Lounès Oulmane, le procureur était en embuscade. Le second médecin a eu le loisir d'écouter les «remontrances» de la juge qui a espéré de tout coeur que le bénéficiaire du certificat médical et donc de l'ordonnance d'où les cachets psychotropes interdits par la loi n°04-18 du 25 décembre 2004. Au milieu de la tempête, Boutrik n'a eu de cesse de se défendre car, en sa qualité de «fils de la justice», il connaissait son sort si jamais il était coupable et condamné, surtout qu'il a bien précisé à la magistrate que ses proches vont croire qu'il était un intermédiaire dans le trafic des cachets psychotropes! Oulmane le procureur posera des questions enfonçantes dont le lien de parenté des deux inculpés. Et la demi-douzaine de questions de Lounès dont le lien de parenté, avaient mis Boutrik dans de très mauvais draps. «Je suis victime de ma gentillesse!» dit-il, les larmes aux yeux. Les deux médecins aussi naviguaient à vue. Au fur et à mesure que les débats avançaient, ils s'étaient rendu compte de la gravité des faits. Le maître assistant a dû maudire le jour où Boutrik était venu lui demander un service. «Il travaille à la cour de Blida. Je n'ai rien soupçonné» a dit le docteur. L'avocat de Sidi Aïd a même cité le pharmacien poursuivi qui risque cinq ans ferme. Maître Sabah Arriba suit assidûment les interventions de ses aînés surtout qu'en lectrice acharnée de notre canard, elle adore comparer ce qui se dit à la barre et ce qui s'écrit concernant ces histoires où des intellectuels sont mouillés... Avant de clore son intervention, Maître Morsli fait appel au pouvoir discrétionnaire de la juge qu'il supplie de bien examiner les éléments de toutes les déclarations. L'article 228 du Code est appelé en SOS par le plaideur qui a beaucoup plaidé l'humanisme du tribunal. Répliquant au défenseur, Lounès demande à connaître tout la vérité, pas «seulement la vérité.» Et d'enchaîner: «L'ordonnance a été utilisée et les cachets consommés par le drogué!». Maître Sabiha Bencherchalli ne prend pas de gants en débutant son intervention axée sur la responsabilité de chacun. Les faits sont quoi? Quelqu'un de serviable à qui on est venu demander un service pour un malade psychique. «La vérité que cherche le procureur est qu'un seule boîte de cachets destinée à calmer les douleurs au...colon!» a dit l'avocate de Blida. Elle présente le bénéficiaire de la vraie fausse ordonnance comme étant une victime du terrorisme: «On a assassiné son père sous ses yeux alors qu'il n'était qu'une gamin. Voilà la cause de sa maladie», a conclu Maître Bencherchalli qui a réclamé de larges circonstances atténuantes. Maître Aït Boudjemaâ Boudjemaâ sera le dernier à plaider ce dossier des plus tristes. Il parle d'emblée de confusion entre une ordonnance et un certificat médical qui ne sont délivrés que sur des critères scientifiques précis. «Le procureur a effectué des demandes d'emprisonnement ferme sans étaler de preuves. Nous vous demandons d'appliquer la loi car il s'agit «d'une triste cérémonie funèbre et le mort est une petite souris» s'est écrié le défenseur qui a suivi Maître Sabiha Saâdaoui Bencherchalli pour ce qui est de la consommation et de la commercialisation de cachets psychotropes. «Il n'y a rien de tout cela». Il ne restait plus à Nassima Saâda, la juge, qu'à infliger une peine d'emprisonnement assortie du sursis.