Le turbulent chef islamiste s'est rendu tour à tour chez les familles de disparus et à la commission de la Ligue des droits de l'Homme. La fin de semaine a été agitée pour l'ancien gourou de la jeunesse islamiste urbaine : il a été d'abord chez les familles de disparus auxquelles il a voulu prêter main-forte, avant d'aller rendre visite à Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (Cnppdh) à qui il a formulé ses vives protestations «contre le harcèlement continu» dont il fait l'objet. Selon les propres termes d'Ali Benhadj, «les restrictions civiques et politiques» qui l'entourent, «sont autant de lois iniques, antidémocratiques et anticonstitutionnelles», dont l'objectif évident est de «l'isoler et le rabaisser» en le «privant du droit fondamental de se procurer un travail». D'ailleurs, il indique avoir été tour à tour demander un travail auprès de l'APC de Bachdjerah, puis celle de Kouba, «afin, dit-il, de subvenir aux besoins de ma famille». «Même un travail comme agent d'entretien communal me conviendrait, car je sais que la propreté est une vertu et que tout travail est décent et honorable», ironise-t-il, avant de prendre à témoin l'opinion : «J'ai porté plainte contre toutes les violations du droit à mon encontre, dont celui, primordial, de me permettre de travailler, car le harcèlement et les interdictions qui me privent des droits fondamentaux de tout être humain, de tout être vivant, sont, en fait, un antécédent grave dans les annales de la justice algérienne.» Concernant ses prises de position vis-à-vis des familles des disparus, en fin de semaine, et qui lui a valu une autre convocation à la sûreté de la wilaya d'Alger, il rétorque imperturbable : «Ecoutez,entre 1994 et 2000, j'avais été détenu dans un lieu secret : ni ma famille, ni mes amis, ni mes avocats, ni moi-même n'avons jamais su où j'étais ni pourquoi j'avais été ainsi isolé. Aucune visite ne m'a été autorisée, et toutes les tentatives entreprises pour retrouver ma trace ont été vaines, jusqu'en 1999. J'étais donc un authentique disparu parmi les disparus, et je ne peux que me considérer solidaire des familles de disparus.» Ksentini a promis de transmettre aux responsables concernés par ces violations toutes les doléances de Benhadj, comme il a promis de faire un effort personnel pour faire en sorte que ses mouvements ne soient plus considérés comme autant d'actions mettant en péril l'ordre public. L'homme le plus surveillé en Algérie - et le plus convoqué par la police algéroise - reste à 48 ans un personnage controversé. Privé de ses droits civiques et politiques depuis le 2 juillet 2003 par le procureur de la République auprès du tribunal militaire de Blida, il juge cette mesure injuste et le tribunal d'exception de «non compétent» pour juger des délits politiques. «Je ne reconnais aucune des mesures qui me touchent, et je vous informe que des ONG, des institutions et des tribunaux internationaux ont été saisis de l'affaire. Car je ne vois pas où se trouve le droit lorsqu'il m'interdit de travailler et de vivre décemment. Si l'on pense m'étouffer et m'avilir, ou me pousser à tendre la main, cela ne marchera pas comme ça. A l'heure où l'on parle de concorde civile et de réconciliation nationale, on commet les pires violations contre ceux-là mêmes avec qui on essaye de dialoguer.» Jugé et emprisonné pour une durée de 12 ans de réclusion, avec le président et porte-parole de l'ex-FIS, en juillet 1992, Ali Benhadj a consommé la totalité de sa peine, contrairement à d'autres leaders du parti, élargis avant terme ou mis en résidence surveillée. Les conditions de sa détention ont été améliorées après l'élection, en avril 1999, du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, avant d'être libéré début juillet 2003. Objet de restrictions politiques qualifiées de «draconiennes» - les fameux «dix interdits» - Benhadj reste, depuis, soumis à un imposant dispositif de sécurité qui surveille le moindre de ses déplacements.