«Les moudjahidine ne pouvaient faire exploser aucune bombe à Alger sans mon accord» «A travers les attaques gratuites et infondées envers ma personne, l'on veut jeter en pâture notre glorieuse Révolution», laisse entendre Yacef Saâdi. Le chef historique de la Zone autonome d'Alger, durant la guerre de Libération nationale, apporte un ferme démenti au magazine français L'Express, dont un article paru le 8 janvier dernier, revient sur la mystérieuse disparition du militant communiste Maurice Audin, en 1957. L'article qui se réfère à l'enquête de Jean-Charles Deniau Vérités sur la mort de Maurice Audin évoque le climat délétère du conflit algérien et rend compte des extrémités auxquelles ont été poussés les Français. Ainsi sont repris des extraits de cette passionnante investigation, notamment celui décrivant l'attentat du stade d'El Biar qui avait fait 11 morts et 56 blessés graves. «Le 26 janvier, trois bombes explosent dans les cafés du centre-ville, l'Otomatic, le Coq Hardy et la Cafétéria. Elles ont fait cinq morts et quarante blessés. Le 10 février, deux engins sont déposés dans les tribunes du stade d'El Biar en plein match. Bilan: 11 morts et 56 blessés graves. Réunion de crise à Hydra. Massu sait que l'engrenage fatidique, «terreur, contre terreur», peut se révéler sans fin. Il passe un savon de plus à Aussaresses [chargé de l'action) et Trinquier (adjoint du général Massu, commandant de la 10e division parachutiste, en charge du renseignement; futur théoricien de la guerre subversive. Le général Aussaresses s'en souvient comme si c'était hier: «Massu nous a traînés plus bas que terre: «Vous m'avez foutu des bombes.» Il avait compris que l'attentat du stade était trop réussi pour avoir été fait par les Arabes. Il y a eu ensuite une réunion avec le GG (le ministre résident, le socialiste Robert Lacoste). J'étais là quand Lacoste a dit: «C'est pas possible que les Arabes aient fait ce truc-là. Pourquoi? Parce que c'est trop fort pour eux... Il faut arrêter ça à tout prix, vous avez entendu, à tout prix, y compris la torture et les exécutions sommaires.» Un écrit qui sème le doute sur les capacités des révolutionnaires algériens de l'époque et leur puissance de feu. Yacef Saâdi descend en flammes ce récit qu'il qualifie de fallacieux. «J'ai personnellement minuté les engins qui ont explosé au stade d'El Biar! Ils ont été déposés par deux soeurs maquisardes dont l'une est encore vivante. Il s'agit de Baya Hocine qui avait alors à peine 17 ans et de Djouher Akrour.» A en croire Yacef Saâdi, l'enquête ou du moins les éléments infondés qu'elle distille n'est qu'une manoeuvre supplémentaire du Parti communiste qui cherche encore une fois à falsifier l'Histoire de la Révolution. «En raison de ma position dans la hiérarchie militaire de l'époque, les mou-djahidine ne pouvaient faire exploser aucune bombe à Alger sans mon accord», poursuit-il, en signalant: «L'on a confié l'enseignement de l'Histoire aux partis politiques qui ont lamentablement échoué dans leur mission de transmettre le legs patriotique à nos enfants». L'artisan en chef de la bataille d'Alger annonce également qu'à l'âge de 86 ans, il ne mettra, dorénavant, aucun frein au devoir de vérité. «J'apporterai mes témoignages devant Dieu et les hommes sans haine aucune, mais avec le seul souci de relater l'histoire authentique.» Pour preuve, Yacef Saâdi publie un Mémorandum dans lequel il revient sur les missions de l'historique Zone autonome d'Alger et, où il inclut les faits et les événements majeurs qui ont eu lieu au cours de la bataille d'Alger. Dans ce document de 20 pages, il revient sur la douloureuse disparition des quatre héros, Ali la Pointe, Hassiba Ben Bouali, Bouhamidi et le petit Omar, au 5 rue des Abderrames. Il explique également les conditions de son arrestation par l'armée française non sans citer les noms de ceux qui se sont distingués par la félonie et la traîtrise, permettant ainsi à la soldatesque coloniale de mettre la main sur les fidayine. Il précise ici que c'est grâce aux services du sinistre Guendriche, alias «Zerrouk», «Judas» ou «Safi» que les quatre résistants ont été tués. Ce même Guendriche qui aura livré Ramel et Debbih Cherif, morts dans un guet-apens, et finit par indiquer la cache de Yacef Saâdi au 3 rue Canton, non sans l'aide d'un certain Hadj Smaïn. Revenant sur les conditions de son arrestation, le 24 septembre 1957, il précise qu'il n'avait pas pour moeurs de se rendre mais «si j'avais refusé de me sacrifier, tout le commandement aurait disparu, en même temps, dans un grand feu d'artifice ainsi que de nombreux innocents, scénario similaire à celui de la rue de Thèbes. Ainsi, mon accord pour sortir de ma planque, permettait à ceux qui se trouvaient au 4 rue Canton, à deux mètres seulement de notre planque de partir ailleurs et continuer le programme tracé par la Zone autonome d'Alger dans le cadre de notre résistance à la bataille d'Alger». Plus loin, il ajoute: Dans mes récits je m'appuie sur des faits rapportés par les généraux français, contrairement à certains Algériens ou Algériennes qui veulent paraître aujourd'hui plus héroïques qu'ils ne l'étaient en des circonstances qui exigeaient de la discrétion, du courage et de la détermination. Et de continuer: Ali la Pointe qui, pour des raisons de sécurité, a changé de refuge, s'est vu dans la nécessité de contacter Guendriche, en lui dépêchant Bouhamidi, afin de l'assurer qu'il n'allait pas baisser les bras: «Yacef est arrêté je vais continuer le combat, jusqu'à la victoire finale» et c'est par ce message même qu'il signait, sans le savoir son arrêt de mort et celui de ses trois éléments. En adressant ce message à Guendriche, Ali la Pointe tombait lui aussi dans le piège comme moi d'ailleurs avant mon arrestation, parce qu'il ne savait pas qu'il avait tourné casaque, note Yacef dans son mémorandum.