Alors que les tirs occidentaux s'accélèrent contre Moscou pour l'obliger à se retirer complètement de la Géorgie, l'Ukraine, qui avait fait sa révolution orange un an après celle de la rose géorgienne, revendique aujourd'hui ouvertement sa place sous le parapluie occidental. Candidate à l'Otan, comme la Géorgie, mais devant rester prudente en raison de la présence d'une importante communauté russophone, l'Ukraine est montée en ligne depuis samedi pour proposer à l'Occident ses radars de défense antimissile. Cette offre intervient deux jours après un accord entre Washington et Varsovie sur l'installation en Pologne d'éléments du bouclier antimissile américain. Depuis 1992, l'armée russe utilisait, en accord avec Kiev, les informations fournies par deux radars placés sur le sol ukrainien. Cet héritage de l'époque soviétique apparaît aujourd'hui intenable, l'Ukraine proposant aux Occidentaux d'utiliser ses radars. Ce tournant vers l'Ouest d'un autre pays frontalier pourrait achever de fâcher la Russie aux prises avec la question géorgienne. Durant les combats en Géorgie, le président ukrainien, Viktor Louchtchenko, avait signé un décret restreignant les mouvements de la flotte russe de la mer Noire, historiquement basée sur le sol ukrainien, à Sébastopol, en Crimée. Désormais, les Russes doivent demander, soixante-douze heures à l'avance, l'autorisation de l'armée ukrainienne dès qu'un de leurs bateaux ou avions souhaitera entrer ou sortir de l'Ukraine. La flotte de la mer noire n'obéit pas à Vicktor Louchtchenko, mais au seul président russe, a répliqué l'état-major russe. Pour Moscou, les mesures ukrainiennes sont “de graves mesures antirusses”. Viktor Louchtchenko aimerait voir partir la flotte russe au terme, en 2017, de la location du grand port de Crimée. Et il se peut qu'elle le propose alors à l'Otan qui examine actuellement, selon la chancelière allemande, l'intégration de la Géorgie en son sein. Alors, jusqu'où Kiev peut-elle aller dans son opposition à Moscou ? Louchtchenko, en visite de soutien à Tbilissi, est resté en retrait derrière les virulents présidents polonais et baltes, présents eux aussi dans la capitale géorgienne. Car si ces derniers sont bien à l'abri dans le système de sécurité de l'Otan et de l'Union européenne, l'Ukraine est, elle, seule face à son grand voisin. En outre, la Première ministre, Toulia Timochenko, négocie actuellement le prix du gaz russe pour cet hiver et elle sait également qu'elle ne doit surtout pas froisser une partie de l'électorat ukrainien, toujours attachée à des relations fraternelles avec Moscou. Le spectre de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie hante Kiev.La Russie promet de retirer ses troupes, mais poursuit sa démonstration de force. L'armée russe a continué à parader à sa guise en territoire géorgien, six jours après l'accord de cessez-le-feu négocié la semaine dernière par Nicolas Sarkozy au nom de l'UE à Moscou. L'armée russe restera “aussi longtemps qu'il le faudra”, a prévenu le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, rappelant que ces “mesures supplémentaires de sécurité” étaient prévues par l'accord Sarkozy-Medvedev. ? l'ONU, où le Conseil de sécurité doit préparer une résolution, la Russie s'appuie sur le “plan Sarkozy” pour refuser toute mention de “l'intégrité territoriale” géorgienne. En traînant autant les pieds, la Russie assène la preuve pour ses voisins que Washington s'est montré incapable de faire quoi que ce soit pour soulager un régime qui s'en était remis à eux. D. B.