C'est aujourd'hui que s'ouvre sous les lampions, l'un des plus importants festivals du cinéma au monde. Ce soir les traditionnels lampions vont scintiller de mille feux et le tapis cramoisi qui s'étale sur les (maintenant) mythiques «marches» du Palais du festival, vont se laisser fouler par la bande à Pedro, le plus célèbre cinéaste espagnol depuis Luis Bunnuel. La Mauvaise éducation, quinzième film de cet enfant terrible de la Movida - cet extraordinaire bouillonnement culturel qui a vu le jour avec la chute de Franco - va être vu par une pléiade de stars en tenue sombres et robes à paillettes. Nous y reviendrons donc. Pour le moment, la Croisette bruit des folles rumeurs que les intermittents du spectacle ne sont pas les premiers à distiller, mais sûrement pas les derniers à démentir. La marmite bout et le remake de l'été 2003, où l'annulation des festivals s'est faite en cascade (Avignon, Montpellier, Aix-en-Provence, pour le théâtre, la danse, et la musique lyrique) pour ne citer que les plus prestigieux. Cannes sera-t-elle perturbée jusqu'à l'annulation comme ce fut le cas en mai 68? Autres temps et autres ambiances certes. D'autant que les intermittents, eux, responsables jusqu'au bout, insistent sur le fait que l'arrêt du festival n'est pas pour un objectif en soi. Ils veulent seulement que la Croisette leur serve de promontoire pour crier leur colère et critiquer le Medef du baron Sellières (un syndicat patronal) qui déclare sans vergogne que ce qui est bon pour lui est bon pour la France (sic)! Et les acteurs culturels pris à la gorge par une refonte de la loi les concernant (à l'instigation de ce même Medef) rejettent le diktat d'une organisation syndicale qui ne représente, tout au plus, que 1% de l'ensemble des patrons français! Le ministre de la Culture a tenté de jouer la montre en faisant miroiter un toilettage d'une loi votée au Parlement à la rentrée, mais peine perdue. Car, à l'arrivée il a été confirmé que même les femmes techniciennes enceintes, voyaient leurs droits suspendus. C'est dire le recul!... Alors le bal d'Almodovar aura valeur de test. Cela se joue entre une politique à la «mauvaise éducation» avérée, en matière d'avancée sociale et des artistes du monde du spectacle qui battront la mesure sur le rythme d'une rengaine «almodovarienne» qui reprend en refrain le titre d'un autre film de l'enfant terrible du cinéma ibère Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter tout ça? (1984). D'ores et déjà, les cinéastes français présents à Cannes ont annoncé qu'ils réserveraient une tribune aux intermittents lors de la projection de leur film. Donc si tout va, à peu près bien, on aura aussi l'opportunité de rendre compte du dernier film de Youssef Chahine New-York/Alexandrie, de la saga palestinienne tirée de l'oeuvre de Elias Khoury, qui relate pendant plus de quatre heures la «nekba» vécue en1948 par le peuple palestinien, spolié de sa terre, sous la direction du plus moderne des cinéastes égyptiens, Yousri Nasrallah. De même que nous attendons avec beaucoup de curiosité la dernière réalisation du patriarche du cinéma africain, Sembène Ousmane, qui s'attaque à un sujet épineux celui de l'excision que des «imams» es obscurantisme ont décrété conforme aux préceptes de l'Islam. A Dieu n'en plaise!