La philosophie de cette démarche rejoint les grandes lignes du fameux rapport dressé par Missoum Sbih. Décidément, rien ne va plus au sein de la commission paritaire mise en place à la suite de la bipartite de l'année passée pour finaliser le statut général de la Fonction publique. Ainsi, la proposition de loi élaborée par l'Ugta, comportant pas moins de 120 articles, a-t-elle été «torpillée», pour reprendre l'expression de sources proches de la Centrale, par une série d'amendements formulés par les représentants des pouvoirs publics. Sans y aller par quatre chemins, les représentants des travailleurs qualifient la démarche de «licenciements massifs déguisés, destinés à toucher le tiers du personnel de la Fonction publique, à savoir près d'un demi-million de personnes». Très insidieuse, la démarche suivie par les amendements proposés par la direction de la Fonction publique indique, dans le chapitre consacré aux «relations de travail», dans son article 21 et dont nous avons obtenu copie, que «les emplois permanents correspondant à des activités de soutien logistique et de service au sein des administrations centrales, des services déconcentrés et des établissements publics sont soumis au régime de la contractualisation». La proposition, que la Centrale rejette dans le fond et dans la forme, rejoignant l'esprit du volumineux rapport Sbih, comportant pas moins de 649 pages, cherche à exclure des avantages liés à la Fonction publique l'ensemble des travailleurs exerçant dans les champs d'exécution et de maîtrise. Sbih, dans son rapport, évoque aussi bien la pléthore d'emplois au sein de la Fonction publique, que la main-d'oeuvre souvent sous-qualifiée. L'approche, tout à fait nouvelle qu'il se propose d'adopter, que le président semble avoir fait sienne, si l'on en croit le contenu du programme gouvernemental, se propose d'aller vers une régionalisation dont les contours ne sont pas encore clairement définis, et qui fait craindre le pire à un parti comme le PT que dirige Mme Louisa Hanoune. Ce qui permet de craindre une rupture du dialogue entre le gouvernement et l'Ugta c'est que leurs représentants respectifs au sein de la commission mise en place à l'effet d'élaborer le statut général de la Fonction publique n'avaient pas réussi à s'entendre sur plusieurs points jugés importants. Les uns s'accrochent à l'esprit du rapport Sbih avec ce qu'il comporte comme nouveaux «besoins stratégiques» et les autres à «la préservation de l'Etat et des emplois». C'est, du reste, ce qui a amené, en désespoir de cause, l'Ugta à confectionner sa propre proposition de loi. Même s'il est à peu près certain, voire normal, que le document ne soit pas intégralement accepté, il est en revanche «hors de question, nous disent des sources proches de la Centrale, que les amendements que l'on nous propose soient acceptés». Les mêmes sources, qui n'excluent pas de déterrer la hache de guerre dans le cas où les pouvoirs publics persisteraient dans leur démarche, jugée suicidaire pour l'Etat algérien, après que le secteur économique eut subi les affres des compressions irréfléchies, se disent convaincues que «ce dégraissage ne doit faire de doute pour personne dans le cas où ces amendements passent sans entraves». En témoigne l'article 28 de ce document dont l'intitulé s'énonce comme suit : «L'occupation des emplois prévus aux articles 21, 23, 24 et 25 (ceux que propose le gouvernement) ne confèrent ni la qualité de fonctionnaire ni le droit à une intégration dans la Fonction publique, sous réserve des conditions prévues aux articles (...) de la présente loi». Toujours est-il que Bouteflika, qui joue à fond la carte de l'apaisement et de la «réconciliation globale» peut bien ordonner à ses troupes de faire marche arrière afin de ne pas gêner la conclusion de son fameux pacte social sur lequel nous reviendrons en détail dans une prochaine édition. Des sources proches du gouvernement nous indiquent, en effet, qu'Ahmed Ouyahia aurait donné instruction à ses proches collaborateurs de se pencher sur l'ensemble des dossiers prévus lors de la prochaine bipartite. La nouvelle a de quoi «réjouir» les syndicalistes de l'Ugta puisque la Fonction publique sera incluse dans cette rencontre que l'Exécutif souhaiterait tenir dans les plus brefs délais. Des indiscrétions vont jusqu'à dire que le sommet entre Ouyahia et Sidi-Saïd, qui était attendu pour la rentrée sociale, aurait finalement lieu en plein été, compte-tenu de l'urgence des dossiers auxquels avaient eu à faire face les groupes de travail mis en place à l'issue de la rencontre similaire tenue durant l'été passé. Le dossier de la protection sociale reste également un «gros morceau» au menu de cette rencontre puisque la réforme de ce secteur, qui s'est faite sentir pour tous, a achoppé sur la conception que s'en font d'un côté les pouvoirs publics et, de l'autre, leur partenaire social. Loin de rester passive face à ces grandes manoeuvres qui s'annoncent décisives pour le monde du travail mais aussi pour l'avenir du syndicalisme en Algérie, l'Ugta oeuvre elle aussi à finaliser ses propres dossiers et arguments afin de se présenter à cette échéance en position de force. Dans le même temps, l'assainissement organique, apprend-on, poursuit son bonhomme de chemin. Ainsi, la fédération des matériaux de construction doit-elle tenir ce lundi son congrès. Elle sera suivie par deux autres fédérations d'ici au début du mois prochain. Il s'agit respectivement de celle du bâtiment, de l'hydraulique et des travaux publics, ainsi que celle des transports. Le programme se poursuivrait tout le long de l'été afin que les structures horizontales de la Centrale recouvrent toute leur légitimité et soient plus en phase avec les travailleurs qu'elles sont appelées à représenter.