Qui dit vrai, qui dit faux? Une phrase prononcée par John Kerry à l'ouverture, jeudi dernier, de la deuxième session du dialogue stratégique algéro-américain, a créé une tornade qui a failli emporter l'APS. Tout est parti de la «transparence du processus électoral» en cours dans notre pays et qui a «réjoui» le secrétaire d'Etat américain. L'APS reprend l'appréciation et la «balance sur le fil». Branle-bas de combat dans certaines rédactions qui n'ont pas supporté un si «beau tableau». Les réseaux sociaux n'ont pas tardé à se mettre en mouvement pour crier, à leur tour, à la «manip». L'APS a eu beau se défendre d'avoir fait son travail de manière professionnelle, rien n'y fait. La sauce avait pris et rien ne l'aurait fait descendre si un fait nouveau n'était venu conforter la position de l'agence algérienne de presse. Le fait nouveau est venu sous forme de précision de l'ambassade des Etats-Unis adressée à l'APS le lendemain, soit vendredi soir. Hier, l'APS l'a publié intégralement. «Chers amis de la presse... si vous avez déjà écrit des articles basés sur l'interprétation simultanée, nous espérons que cette information (la précision) vous permettra de corriger cela» écrit l'ambassade des Etats-Unis. Rappelons à nos lecteurs que tout s'articule autour de la phrase prononcée en anglais par John Kerry et qui, traduite simultanément par les interprètes américains, donne, selon la dépêche de l'APS: «Nous nous réjouissons de voir le processus de l'élection présidentielle (du 17 avril) se dérouler dans la transparence.» En fait au lieu de phrase, on est tenté de dire l'objet du «délit». Dans sa précision, l'ambassade des Etats-Unis transforme la phrase comme ceci: «Nous comptons sur des élections qui sont transparentes et conformes aux normes internationales.» Le verbe «compter» a remplacé «se réjouir». Pas de ressemblance à vrai dire. Ni de près ni de loin. Sauf que la chance est quelquefois du côté de la vérité. Cette chance se trouve dans le texte de la précision américaine. Il y est question de «rapports erronés sur le discours du secrétaire d'Etat Kerry» et non de «retranscription erronée». Il y a également cette supputation: «Si vous avez déjà écrit des articles basés sur l'interprétation simultanée» qui confirme le point de départ de «l'erreur» suivie d'une deuxième confirmation: «Nous espérons que cette information vous permettra de corriger cela.» Et comme on ne «corrige» qu'une erreur, la boucle est bouclée. En synthétisant le tout, l'ambassade américaine reconnaît une erreur de la traduction simultanée des interprètes américains. Si l'on ajoute le temps mis pour envoyer la précision à l'APS (du jeudi à 11h55 jusqu'au lendemain vendredi à 20h) on devine l'étendue des conciliabules qui ont été nécessaires à l'ambassade américaine autour du texte de «correction». La cerise sur le gâteau est que la correction n'en est pas vraiment une. En écrivant «nous comptons sur des élections qui sont transparentes» qu'a-t-on corrigé? Dire des élections qu'elles «sont» (au présent) transparentes cela suffit comme reconnaissance pour «réjouir» tout le monde sauf John Kerry. Ceci dit et au-delà des exercices rédactionnels et de l'aspect purement protocolaire de l'événement, l'esprit de l'excellence des relations américano-algériennes demeure, car il est basé sur une coopération multiforme autrement plus stratégique qu'un simple jeu de mots. Quant à l'APS, il ne lui reste qu'à accrocher l'événement comme un trophée du professionnalisme de ses journalistes. Nos dernières pensées iront aux opposants qui s'étaient empressés de se «réjouir». Ce qui est vraiment dommage et navrant. Nous, comme tous les Algériens, on ne se réjouit que lorsque c'est l'Algérie qui gagne. Comme c'est le cas!