La corruption et la gabegie qui secouent la région sont percées à jour par la presse locale. L'incarcération du correspondant de presse et représentant local de la Ligue algérienne des droits de l'homme, Hafnaoui Ameur Ghoul, semble agir comme un effet «boule de neige». La quasi-totalité des wilayas du Sud se mobilisent contre ce qu'elles considèrent comme «une atteinte caractérisée aux droits de l'homme et au droit de presse». Les wilayas se concertent depuis deux jours en vue de faire une démonstration de force et d'apporter leur soutien au journaliste emprisonné. «Depuis qu'il a dévoilé au grand public l'affaire des 14 bébés morts dans un hôpital de Djelfa, et la commission d'enquête qui s'en est suivie, Hafanoui était dans le collimateur des autorités, elles le «voulaient» et elles l'ont eu», déclarent trois correspondants de la presse arabophone, qui pointent un doigt accusateur sur l'administration locale, notamment, le protocole et le chef de cabinet, pour avoir fait marcher la machine répressive. En fait, l'incarcération de Ghoul n'est qu'un épisode d'une longue série d'atteintes au droit de presse. La ville est paralysée par le manque de perspectives, le chômage, l'indigence sociale et le laisser-aller, depuis une décennie. Les correspondants de presse, très présents sur le terrain, ont fait une véritable révolution, au niveau de leur région, en «débusquant des lièvres et en mettant par écrit sous les yeux des lecteurs ce qui se passait dans la vaste étendue des Ouled Naïl». Il y a un peu plus d'un an, le chargé de communication de la wilaya a été licencié de manière fort discutable pour avoir donné des informations, tout à fait banales à un journaliste d'El Watan en reportage dans la ville de Djelfa. La correspondante locale du Jeune Indépendant a été malmenée durant plusieurs mois pour avoir écrit ce que les autorités ont estimé une grave atteinte à leurs affaires privées. Des hommes sont allés jusqu'à enlever son fils, âgé d'une quinzaine d'années, avant de le relâcher. Menaces, intimidations et atteintes à leurs droits sont le lot quasi quotidien des correspondants les plus critiques envers l'administration locale qui leur interdit tout : accès à l'information, non-délivrance de badges, droit d'avoir une Maison de la presse (comme il a été fait dans les wilayas les plus démunies et les plus reculées d'Algérie). Des périodiques locaux ont vu le jour avant de disparaître rapidement sous les coups répétés de l'administration locale, tels Saout Es-Souhoub ou Dounia El-Djazaïer. La mafia politico-financière locale, appuyée par les gros propriétaires fonciers et de bestiaux, tente depuis deux ans, d'étouffer ceux qui osent passer outre la loi de l'omerta, très cultivée dans une région à tradition orale, agropastorale et tribale. Les correspondants locaux d'El Youm et d'Al-Khabar ont été menacés et traînés devant les tribunaux pour leurs écrits. Un journaliste d'Al-Chourouk a fait l'objet d'une plainte et est passé en justice. Celui d'Al-Raï a été, pendant l'existence de son quotidien (aujourd'hui disparu), interdit d'accès à toute information de quelque nature qu'elle fût. Un correspondant d'Al Fedjr nous disait que le chef de cabinet du wali exigeait de lui qu'il lui remette une copie de ses articles faxés à Alger. En fait, ce serait pure perte de temps de continuer à énumérer toutes les atteintes aux droits des journalistes de la part d'une administration locale qui ne croit pas à la presse, qui insulte l'information et qui vit (comment? pourquoi?) en vase clos. La wilaya de Djelfa reste la plus impliquée dans les affaires d'atteinte au droit de presse. Les enjeux financiers locaux, les groupes de pression et les lobbys qui y prospèrent au détriment de la wilaya la plus touchée en Algérie par le chômage, la déperdition scolaire et l'indigence sociale, ont de quoi se faire du souci. Toutes les instances et ONG de la presse et les droits de l'homme ont été saisies, tant au niveau local, national qu'international. Reste à suivre avec intérêt que le droit - tout court - et la justice fassent un tour dans la région.