Depuis l'incarcération de Hafnaoui Ghoul, la ville semble mieux se porter et retrouve ses vieux réflexes et son omerta. Après avoir été mise au-devant de l'actualité, à la faveur de quelques scandales médiatiques, la ville de Djelfa se porte mieux. Le militant des droits de l'homme et journaliste Hafnaoui Ben Ameur Ghoul est en prison, les treize bébés morts des suites de septicémie sont enterrés et oubliés, les autres correspondants de presse sont sur la défensive, le wali est parti et remplacé par l'ancien wali de Béchar et, après la canicule, l'air est respirable, et il a même plu à grosses gouttes avant-hier. Ceux qui continuent à suivre avec appréhension la détérioration de l'état de santé de Ghoul peuvent s'agiter. En vain. Même sa propre famille n'a pas d'information exacte. Selon son jeune frère Ahmed, «Hafnaoui a été transporté nuitamment à l'hôpital, mais nous n'avons aucune précision à ce sujet. Nous l'avons cherché dans des hôpitaux de la ville, sans résultat. Il nous faut attendre demain pour lui rendre visite et voir de près son état de santé. Suite aux informations données par ses codétenus, et faisant état de la détérioration de sa santé, nous avons demandé à son avocat, Me Triki, de vérifier avec le procureur du tribunal de Djelfa, la vérité de ces nouvelles alarmantes (...) Nous attendons toujours, car il n'y a rien à faire qu'a attendre que cette injustice prenne fin». Les autres amis de Hafnaoui Ghoul, eux aussi pour la plupart correspondants de presse, restent à la fois inquiets, déçus et perplexes. «Son incarcération est une mise en garde contre nous tous, et on est arrivés à réfléchir à vingt fois avant de balancer une information à la rédaction d'Alger. On fait nous-mêmes notre autocensure, car on n'est jamais trop prudents après ce qui s'est passé, et Dieu sait que les affaires scabreuses reprennent de plus belle et que l'oligarchie locale affiche tout son mépris vis-à-vis de la presse...». Depuis l'incarcération de Hafnaoui Ghoul, la ville de Djelfa se porte mieux et retrouve avec exubérance ses vieux réflexes et sa loi de l'omerta, car il ne faut surtout pas divulguer dans la presse ce qui peut se résoudre entre Ouled Naïl. Les centres hospitaliers peuvent cultiver la septicémie et les maladies de toutes sortes peuvent manquer dangereusement de spécialistes (à ce jour, il n'y a aucun gynécologue dans le grand hôpital de Hassi Bahbah, et les femmes sont transportées dans des ambulances, en cas de complications, vers Djelfa, avec tous les risques induits), la corruption et les dysfonctionnements peuvent paralysé toute la ville, cela n'arrêtera pas les... gens de tourner. On ne dira jamais assez que Djelfa reste une des villes algériennes les plus touchées par la corruption, le chômage, l'indigence sociale et la précarité. La zone industrielle, qui faisait travailler quelque 4000 jeunes est à l'arrêt total, le taux de chômage est l'un des plus élevés en Algérie, tout aussi que les indicateurs de la pauvreté au niveau local, alors que le taux de réussite au Bac est un de plus faibles en Algérie. Le seul secteur qui reste opérationnel est l'éducation, qui, justement, focalise toutes les affaires de corruption, comme l'atteste le va-et-vient continu des commissions d'enquête entre Alger et Djelfa depuis 1999, et les permutations, les renvois et les licenciements qui ont touché l'encadrement du secteur de l'éducation de la wilaya. Le nouveau wali, ainsi que le directeur de l'éducation auront fort à faire dans cet environnement hostile, à commencer par leur propre administration locale. L'année sociale vient à peine d'être entamée et les correspondants locaux restent à l'affût: «Nous allons débusquer quelques lièvres et divulguer quelques petits ‘'secrets de maison'', histoire de rendre hommage à un Ghoul en prison, et qui avait à ce point ‘'terrorisé'' la ville», taquinent les rares correspondants encore en forme pour se tourner en dérision, car plus rien ne sera comme avant...