Savant laïque et progressiste, Jacques Berque a joué le rôle de passeur entre les deux rives de la Méditerranée. L'ancien ministre français de la Défense, Jean-Pierre Chevènement, a souhaité que Jacques Berque soit encore vivant pour voir sa terre natale debout et qui va vers la maîtrise de son destin. «Il aurait été très heureux aujourd'hui de voir une Algérie sortie des tempêtes, debout et en marche vers la maîtrise de son avenir», a indiqué, M.Chevènement lors du colloque international sur le savant, auteur, traducteur et chercheur, Jacques Berque organisé à la Bibliothèque nationale (El Hamma). Cette rencontre-hommage à l'un des plus illustres spécialistes du monde arabe, Jacques Berque, s'est ouverte hier à Alger pour deux jours en présence de personnalités françaises, arabes et algériennes, dont Jean-Pierre Chevènement, Jean Sur, Jean Daniel, Adonis, Azzedine Zalani, Boualem Bessaieh, Reda Malek, Abdelkader Djeghloul, Mustapha Cherif entre autres. Une première du genre à se tenir en Algérie et s'annonce comme un prélude à un colloque international prévu en juin 2005, dixième anniversaire de la mort du penseur. Abordant l'actualité en Irak, celui qui a quitté son poste de ministre de la Défense lors de la première guerre du Golfe, ne s'est pas empêché également de penser que si Berque était de ce monde, «il aurait été très affecté par ce qui se passe actuellement en Irak, mais serait réconforté et rasséréné par la position courageuse du président Jacques Chirac». M.Chevènement reconnaît s'être souvent inspiré de la pensée de «ce grand savant» en faisant appel à lui à travers son itinéraire d'ancien ministre, à la tête de différents départements. «En effet, ce traducteur du Coran, de grands textes de la poésie arabe ante-islamique et de poètes irakiens et syriens, tel adonis, n'était pas un savant seulement, mais avait aussi des positions politiques fermes et j'ose le dire, il était à mes côtés lors de la guerre du Golfe, dont nous avions vécu ensemble les différentes étapes de la crise». Mustapha Cherif, philosophe algérien et ancien ministre de l'Enseignement supérieur a mis l'accent sur le rôle joué par «ce savant français laïque et progressiste» pour le dépassement des incompréhensions entre les deux rives de la Méditerranée «souvent maintenues par un discours trompeur». Pour le philosophe, la question, aujourd'hui est, comment s'ouvrir sur la modernité tout en restant soi-même. «La possibilité existe pour peu que les musulmans fassent leur autocritique», a-t-il dit avant de rappeler cette phrase du défunt Berque : «Le premier danger de la mondialisation sur le musulman est de se refermer, le deuxième est de s'y perdre.» De son côté, Jean Sur, un familier de Berque, a relevé les divers aspects de l'homme, la richesse de sa pensée qui l'orientait vers un mouvement de dépassement de la personne, du groupe et de la société pour le conduire à des transcendances fructueuses. Rappelons enfin que l'hommage se tiendra en deux parties. La première, à Alger et la seconde, se déroulera aujourd'hui à Frenda, sa ville natale. Le choix de la date du 5 juin n'est pas fortuit, puisqu'elle coïncide, à un jour près, avec le 94e anniversaire de la naissance de Berque, le 4 juin 1910 à Frenda. Jacques Berque, qui est l'auteur de nombreux ouvrages, dont quatre traductions du Saint Coran, est décédé en juin 1995 en france.