Le siège de l'OMC La peur c'est d'abord celle de voir les entreprises algériennes partir en fumée ou, plutôt, voler en éclats. Adhérer à quelque chose c'est aller, tel qu'on est, et de son propre gré, vers cette chose. On adhère selon son propre gré, quand on veut. Comme cela se faisait pour le Gatt, par exemple, l'OUA, ou autres. Mais entrer à l'OMC n'est pas et ne peut pas être une question d'adhésion car, pour y entrer, il ne suffit pas de vouloir mais aussi de se soumettre à un ensemble d'exigences. A l'OMC on n'y entre pas à son gré, ni quand on veut. Alors que l'adhésion est unilatéralement décidée par la partie qui veut rejoindre, dans le cas de l'OMC, l'entrée est unilatéralement décidée par la partie qu'on veut joindre. Dans le cas de l'OMC, on quitte donc la situation de libre choix de l'adhérent pour se retrouver en plein dans une autre situation, celle où «l'entrant» (pour ne pas dire l'adhérent) doit faire preuve d'une pleine soumission avant de pouvoir rejoindre l'organisation. Certes, les règles et les exigences en place sont valables pour tout le monde mais, justement, les règles et les exigences en place sont celles qui protègent, au mieux, les intérêts de ceux qui les ont introduites, les puissants comme toujours. De là, à lui seul, le fait de parler de «l'adhésion de l'Algérie à l'OMC», est un choix sémantique pas très innocent, qui induit en erreur et falsifie la compréhension des choses. Ils viendront flirter avec la misère Ceci mis de côté, la question que (se) posent actuellement certains est celle de savoir si l'Algérie doit, ou non, intégrer l'OMC. Cette question aurait eu, certainement, un sens si elle s'était posée il y a dix ans par exemple mais, aujourd'hui, cela nous semble relever de la pure spéculation que de vouloir discuter un tel sujet. La seule question qui mérite d'être posée, de nos jours, est celle du comment y aller, comment nous préparer pour réduire les dégâts annoncés d'une telle intégration car, que les nouveaux pseudo-apôtres de l'OMC se rassurent, il ne s'agit pas d'une balade de santé - comme ils ont l'air de vouloir nous le faire croire - mais d'une marche vers la mort certaine d'une économie que ces prétendus apôtres n'ont jamais pu, su, ni voulu aider à s'améliorer. Pire, ils ont directement contribué à l'affaiblir. Comme si la peur de ceux qui éprouvent un tel ressentiment n'était pas légitime, comme s'il s'agissait de discuter, une jambe sur l'autre, de sujets qui ne revêtent aucune importance et qui ne comportent aucun risque pour le pays, certains n'hésitent pas à nous interroger, étonnés et en colère, «pourquoi cette peur d'aller vers l'OMC?». La peur c'est d'abord celle de voir les entreprises algériennes partir en fumée ou, plutôt, voler en éclats. Elle est aussi celle de voir alors des cortèges terribles de chômeurs venir gonfler ceux déjà en place, celle de constater que des gens de plus en plus nombreux et des pans de plus en plus grands de cette société viendront flirter avec la misère. La peur est légitime parce que nous sommes des humains. Et elle est justifiée à partir du moment qu'il s'agit de l'avenir de toute une économie et de tout un pays. Elle est légitime parce que nous savons que, y aller maintenant en acceptant de répondre à la levée, comme exigé, de toutes les réserves émises lors des précédentes négociations serait une folie pure et simple. Nos entreprises n'ont ni la compétitivité suffisante ni l'environnement propice pour y arriver. Nous n'avons pas la capacité innovatrice dont jouissent les autres pays. Notre management est encore à l'état archaïque et ne consiste, pour la plupart, qu'en une simple activité de bureaucrates. Nous ne savons pas encore gérer les hommes, nous ne savons pas encore gérer leurs compétences et pour ce qui est de gérer le don, il faudrait attendre les siècles à venir. Nos managers, désavantagés par une politique toujours plus «disqualifiante», ne peuvent pas produire de miracles. Leur en demander, en deux jours, c'est simplement la pire des absurdités. Rotant la rente, puant la non-transparence Et que ces gens-là ne nous racontent pas n'importe quoi en avançant, sans trop savoir eux-mêmes ce qu'ils disent, que «c'est en allant vers l'OMC que nous défendrons au mieux nos intérêts économiques». Allons donc, allons! Un peu de retenue, s'il vous plaît, il y a des enfants qui écoutent! Comment comptent donc s'y prendre ceux qui tiennent ces paroles pour défendre nos intérêts? A vrai dire ce ne sont que des paroles en l'air, histoire de dire, plus tard, qu'ils avaient dit quelque chose. Pas plus, car du point de vue contenu, cela ne veut absolument rien dire. Rien! Un mensonge, comme certains ont l'habitude de dire lors de campagnes électorales insensées. Une promesse de vente d'un avenir qu'ils ne détiennent pas et dont ils ne savent absolument rien. Tout ce qu'on nous demande c'est de «faire confiance aux experts et au gouvernement qui sont en train de négocier». Pas de problème pour cela, mais notre problème à nous ne se pose pas au niveau des experts. Il se pose au niveau de ceux qui émettent des ordres aux experts. Les politiques. Ceux qui nous disent justement que l'OMC résoudra nos problèmes alors que nous savons tous que ce sera le contraire. Depuis 1962, nous n'avons cessé de faire confiance au gouvernement. Et c'était pourquoi? Pour en arriver là où nous en sommes? Chaque jour, la presse nous informe que des jeunes ont voulu prendre le large de leur pays et que certains ont péri en mer. C'est tout ce qu'on a eu. Certes, comme aiment à insister certains, tout n'est pas noir chez nous, c'est sûr, mais tout est loin d'être correct. L'entrée de l'Algérie à l'OMC impose que l'on ait des entreprises compétitives et une économie forte, capable de se maintenir, ce qui n'est pas le cas. «Cette adhésion allait permettre une mise à niveau générale de l'économie (...)» nous dit-on. Si nous devions compter sur l'OMC pour nous mettre à niveau, à quoi servent nos ministres? Et à quoi auraient donc servi les fameuses réformes et soi-disant mises à niveau des entreprises, menées à coups de milliards? Et qu'ont-elles donc donné? Qu'on nous le dise! Dans tous les cas, on ne peut pas aller à l'OMC, rotant la rente, puant la non-transparence dans les affaires et plus intéressés par une victoire de l'Equipe nationale que par le développement du pays. La mentalité qui est la nôtre, celle qui nous a été imposée, des décennies durant, à coups de milliards et de vociférations planifiées, est une mentalité de rentier. Aller à l'OMC nécessite une autre mentalité, celle qui valorise le travail, respecte l'homme et qui, plus que tout, s'érige sur la terre fertile de l'ambition, ô combien légitime, de propulser le pays loin en avant. Autrement dit, tout ce qui nous manque! D'un autre côté, ne pas intégrer l'OMC est devenu presqu'impossible dans le cadre d'une mondialisation sauvage et à outrance. L'intégration de l'OMC est un des moyens mis en oeuvre pour soumettre, au nom du libéralisme sauvage, les économies faibles et les sociétés qui ne savent pas reconnaître leur chemin. Que nous soyons forcés d'y aller est une chose mais que nous y allions, la zorna en main, cela fait ridicule. Au lieu de s'exercer à perdre du temps à aligner des mots plus creux les uns que les autres, certains responsables devraient se préoccuper d'abord, de préparer l'économie à ce jour où il deviendra impossible d'échapper aux puissantes pinces de l'OMC. Les gouvernants qui s'étaient donné pour mission de travailler ont eu le temps de mettre leurs économies et leurs entreprises à niveau, les autres, ceux qui ont passé leur temps à parler pour ne rien dire, eh bien, aujourd'hui ils veulent nous vendre de l'air, comme d'habitude, pour ne pas avoir à justifier leur éternelle inaction et leur incroyable incompétence. Gouverner est devenu chez nous synonyme de parler. Parlez donc!