L'ancien secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, à l'entame du troisième millénaire, avait fait de la réforme de l'ONU, et notamment du Conseil de sécurité, l'une de ses priorités. Une institution désormais inadaptée à l'évolution que connaît le monde. Or, la tentative de redonner un sens à l'organisation des Nations unies et à son organe exécutif avait échoué. Pouvait-il en être autrement quand des pays ont, par leur seul vouloir, le pouvoir d'annuler des décisions prises par la majorité?. Ainsi, le Conseil de sécurité agit comme un gouvernement mondial dominé, cependant, par les cinq pays détenteurs du droit de veto. Un «veto» qui a déformé le sens de sa dotation et corrompu ses détenteurs. Il est patent que le «veto» pose problème. Les 15 Etats membres du Conseil de sécurité, y compris les 5 permanents, sont conscients que les blocages induits par le «veto» aboutissent à des dérives qui éloignent l'institution exécutive de l'ONU de ses missions. D'où les timides tentatives de changer le mode de fonctionnement du Conseil de sécurité. Tentatives qui se sont toutes heurtées au non-recevoir de la première puissance mondiale. La France est revenue à la charge en relançant l'idée de réforme du Conseil de sécurité et de la pratique du veto. «Nous avons des comptes à rendre à l'opinion publique. Nos populations ne comprennent pas le mode de fonctionnement du Conseil de sécurité» a déclaré, jeudi dernier, le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius. En fait, c'est là une initiative pertinente, mais qui pêche plutôt par omission. Mais, ce sont les raisons invoquées par le chef de la diplomatie française qui laissent perplexe. Il met en exergue, pour illustrer son propos, le cas de la Syrie et le veto qui aurait été brandi par la Russie et la Chine pour stopper, selon lui, des résolutions du Conseil. L'exemple de M.Fabius est à tout le moins contrefait et peu représentatif de la réalité des blocages qui effectivement paralysent cette institution. Le chef de la diplomatie française précise donc que la Chine et la Russie auraient usé à quatre reprises du veto. Comment, la France a-t-elle pu compter les «4» veto russo-chinois, mais n'a pu comptabiliser la soixantaine brandis par les Etats-Unis interdisant depuis 50 ans à l'ONU de prendre réellement en charge le dossier israélo-palestinien. Cela sans évoquer les maints veto qui ont fait éviter à Israël les condamnations pour les crimes qu'il a commis dans les territoires palestiniens occupés? Il est patent que le veto qu'il soit utilisé une ou 1000 fois, reste rédhibitoire, dès lors qu'il consacre outre le non-droit, la suprématie de celui qui le brandit au visage des 14 autres membres du Conseil. C'est donc au privilège du veto qu'il faut s'attaquer afin d'obtenir sa suppression, et non point, comme le suggère la France, seulement sa pondération. Dans un Conseil de sécurité qui fonctionne normalement et sans entrave, les crimes de génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité seront condamnés sans rémission. Or, combien de fois Israël a été condamné pour ses crimes en Palestine? Toute la problématique est là, dès lors que ce sont les puissants, c'est-à-dire les détenteurs du veto, qui imposent leur lecture des évènements - les crises en Syrie et en Ukraine sont exemplaires de ce fait - au même titre que leur «solution». Ainsi, les Etats-Unis se sont attribués le droit de décider en toute «souveraineté» sur ce qu'il convenait de faire, dans un contexte marqué par la tension et les troubles. Washington est ainsi passé outre en 2003 au refus du Conseil de sécurité d'une action militaire en Irak. Dans leur logique de guerre contre le terrorisme, les Américains ont ainsi ignoré les mises en garde, comme ils ont refusé d'autres alternatives à la force qu'ils emploient sans considération pour la vie des gens et de leurs biens, sinon celle de parvenir à leurs fins. Il est donc urgent, non pas de dépoussiérer l'ONU et son Conseil de sécurité, mais de revoir de fond en comble son fonctionnement afin de rétablir un certain équilibre des forces qui permette à l'organisation internationale de fonctionner sans diktat. Or, les Etats-Unis se sont substitués à la légalité internationale, représentée par l'ONU, outrepassant leur pouvoir en faisant de l'usage de la force le principe, sine qua non de règlement des conflits dans le monde. Comme le rappelle M.Fabius, les Etats ont des «comptes à rendre» à l'opinion publique. Or qui, dans le contexte actuel de l'ONU et du Conseil de sécurité, exigera des Etats-Unis qu'ils rendent compte de certains crimes commis en Irak, notamment? S'il faut réformer l'ONU, sans toucher au pouvoir exorbitant de certains de ses membres, autant ne rien faire. Un signe: les Etats-Unis ont accueilli froidement l'initiative française. C'est tout dire!