Kouider Z. a connu les Quatre-Hectares d'El Harrach à 72 piges pour émission de chèque sans provision. M'hamed A., 68 ans, son adversaire, était plus qu'heureux à l'issue de l'audience puisqu'il a récupéré ses 78 millions... L'émission de chèque sans provision demeure un gros fléau que les magistrats combattent avec une férocité qui n'arrive cependant pas à dissuader les auteurs. L'article 374 dispose qu' «est puni d'un emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende qui ne saurait être inférieure au montant du chèque ou de l'insuffisance. 1- Quiconque de mauvaise foi, émet un chèque sans provision préalable et disponible ou avec une provision inférieure au montant du chèque, ou retire, après l'émission, tout ou en partie de la provision, ou fait défense au tiré de payer. 2- Quiconque, en connaissance de cause, accepte de recevoir ou endosse un chèque émis sans provision ou dans les conditions visées à l'alinéa précédent. 3- Quiconque émet, accepte ou endosse un chèque à la condition qu'il ne soit pas encaissé immédiatement, mais à titre de garantie.» Et ici, dans l'alinéa III, la garantie disparaît si le retrait est mis sous le... coussin! Effectivement, le législateur n'a pas omis de penser et de marteler qu'un chèque était du liquide. «On dépose un papier pour s'emparer de la somme qui est portée sur lui. Le reste frôle l'escroquerie», affirme Maître M'hamed Yahia Messaoud, l'avocat connu et estimé de la rue Abane-Ramdane. Pourtant, plusieurs gens mal intentionnés piétinent la loi. Il ne faut jamais jurer de rien en ce bas-monde ni dire à la fontaine qu'on ne boira jamais de son eau ou avoir affaire à la justice, ou être hospitalisé ou encore que sais-je? Zouaoui K., 70 ans, comparaît pour émission de chèque sans provision, fait prévu et puni par l'article 374 du Code pénal. Il a fait courir, M'hamed. Il l'a si bien fait courir qu'une plainte avait été déposée auprès de Bouzid qui avait saisi son confrère, le juge d'instruction qui envoya le dossier devant Ahmed qui se fit un plaisir de poser une question capitale pour la suite du procès: «Avez-vous réglé votre dette?» L'inculpé du 3e âge répondit par la bouche de Malia Bouzid, son avocat, à l'aise ce mardi, connu d'habitude: «Monsieur le président, je représente ici mon confrère qui a eu un léger malaise. Nous réclamons la compréhension et la clémence du tribunal pour permettre à Zouaoui de revoir ses petits-enfants, ses voisins et la liberté.» M'hamed, la victime, à la question du magistrat se désiste sur les demandes de réparation et allait même jouer à l'avocat de son adversaire «Je lui ai pardonné, c'est tout.» Le président de l'audience joue à l'ignorant en demandant si la victime a laissé tomber les 13 millions restants. «Non.» Or, le juge pense pour expliquer que du moment qu'il a récupéré son bien (les 68 millions de centimes), il n'avait cure de dommages et intérêts. Prié de requérir, le procureur se lève pour demander une peine de prison ferme de six mois outre une amende, tout en devinant à peu près le verdict final dans ce genre d'escroquerie au happy-end, traditionnel. Les circonstances réclamées par Malia Bouzid, éblouissante à la barre, sont accordées et Zouaoui K. a écopé d'une peine de prison assortie du sursis (six mois) M'hamed A. a quitté la salle avec un large sourire lorsque Zouaoui va rejoindre les geôles du tribunal avant de regagner la prison d'El Harrach où il signera le fameux registre avant de rejoindre son domicile dans l'arrondissement urbain de Dar El Beida «blanchi» de la détention préventive mais peut être sali par la détention préventive née du dépôt de plainte. Avis aux vieux amateurs. La prison accueille de 17 à 77 ans. Le piétinement des procédures et l'irrespect de la loi dans la rédaction des textes de saisie fait toute la lumière sur la personnalité de son client, un analphabète a signé un document qu'il n'a pas pris soin de lire sans prendre la précaution de parcourir le procès-verbal d'audition. «Et d'ailleurs, il y a eu deux huissiers pour faire appliquer la saisie», s'écrie l'avocat qui ajoute que son client ne savait pas que nul n'est sensé ignorer la loi en revendant le véhicule saisi. Enfin, le procès-verbal de carence établi par l'huissier est évoqué et le conseil a aussi mis en valeur la bonne foi du détenu qui avait versé quelques milliers de dinars, le «gong» donnant le signal du règlement de la dette avant de demander la clémence du tribunal et l'application de l'article 53 du Code pénal, M. Lamouri Benouadah se dit méfiant en la largesse de la présidente qui met en examen le dossier du jour.