Même si le texte évoque la nécessité de s'adapter à l'époque, il n'en donne pas moins l'air de chercher à ménager la chèvre et le chou. Le projet de code civil, dont nous avons obtenu copie, a été adopté mercredi-soir en conseil de gouvernement. Etalé sur 56 articles, le texte vient combler pas mal de lacunes puisque l'ancien texte date de...1975, même s'il a subi quelques amendements par le passé. L'exposé des motifs, qui fustige l'ère socialiste de laquelle date la loi en vigueur, indique que «l'individu (qui ne jouit plus de simples autorisations) est regardé comme membre de la société, mais aussi comme un être humain indépendant jouissant des droits naturels protégés par l'Etat». La volonté manifeste de se mettre au diapason des mutations technologiques et démocratiques mondiales se décline à travers de nombreux articles, même si les pesanteurs liées aux pressions de la mouvance islamiste y laisse apparaître de nombreux archaïsmes. Cela est tellement vrai que des juristes consultés commentent le fait en disant que le gouvernement, à travers cette loi, «donne l'air de vouloir ménager la chèvre et le chou alors que les défis de l'heure lui dictent le besoin de prendre résolument le taureau par les cornes». Ainsi, le code civil, toujours au stade de projet de loi, laisse-t-il le soin au nouveau code de la famille d'aborder les épineuses questions liées au mariage. L'article 10 précise ainsi que «les conditions de fond relatives à la validité du mariage sont régies par la loi nationale de chacun des deux conjoints». Le suivant ajoute que «les effets personnels et patrimoniaux du mariage sont soumis à la loi nationale du mari, au moment de la conclusion du mariage». De même que «la dissolution du mariage et la séparation de corps sont soumises à la loi nationale de l'époux, au moment de l'acte introductif d'instance». L'article 12, qui se penche sur le sujet de la paternité, se contente de stipuler que la question est régie par la loi du père, laissant ainsi la balle dans le camp de la commission en charge de réviser le code de la famille. Quant à l'adoption, force est de dire que rien de notable ne changera avant longtemps puisque l'article 13 bis ne laisse planer aucun doute en soulignant que «la validité du recueil légal (kafala) est soumise simultanément à la loi nationale du titulaire du droit de recueil (kafil) et à celle de l'enfant recueilli (mekfoul) au moment de son établissement...». La notion de personne morale, sa protection, ainsi que les divers codes et repères liés aux pratiques commerciales accaparent une part non négligeable du texte. C'est pourquoi il est indiqué que ce nouveau code civil, que Bouteflika souhaiterait voir entrer en vigueur avant la fin de cette année, répond aux différents besoins exprimés par les partenaires étrangers que les textes algériens ne satisfont que sommairement, ainsi que l'OMC (Organisation mondiale du commerce), qui critique souvent certaines dispositions jugées «obsolètes» contenues dans notre actuel code civil. Pour la première fois, donc, il est fait état, dans l'article 20, de l'idée de recourir au droit international en cas de vide juridique national. Mais la véritable «révolution» est incontestablement contenue dans les articles 540 et 51, lesquels se penchent sur les grandes avancées technologiques. Ainsi le 323 bis, devient-il 323 bis1 avec l'intitulé suivant: «L'écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l'écrit sur support papier, à la condition que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité.» Plus loin, il est ajouté qu'«est admise la signature électronique conformément aux conditions de l'article 323 bis1». Voilà qui va provoquer de véritables remous dans le fonctionnement de la société en général, et le monde des affaires et des transactions en particulier. Un temps appréciable sera économisé, en outre, grâce au recours à ce genre de preuves, alors que chacun sait qu'en économie de marché, le temps vaut bien souvent plus cher que l'argent lui-même. Si le conseil de gouvernement a indiqué que ces changements s'inscrivent dans le cadre plus global de la réforme de la justice, il ne fait aucun doute, aux yeux des observateurs, que ces orientations rejoignent également le projet portant réforme de l'Etat, mais aussi la nécessaire adaptation aux mutations mondiales en cours. D'autres «surprises» nous attendent chemin faisant...