Le Polisario a toujours fait preuve d'imagination et d'esprit constructif, faisant toutes sortes de concessions afin de faire avancer «le train de la paix». On se souvient toujours des propos louables et pacifiques applaudis par le monde entier, tenus par M. Dominique de Villepin, alors ministre des Affaires étrangères de la France, le 14 février 2003 lors de la session extraordinaire du CS (Conseil de sécurité) consacrée au conflit irakien. Ces propos visaient à trancher la position française vis-à-vis d'une confrontation belliqueuse qui se profilait de façon imminente en Irak. Insistant, tout comme son président tout au long de la crise, sur la résolution du CS 1441 comme étant le seul cadre légal à déterminer toute action, il conclut son allocution affirmant que «dans ce temple des Nations unies, nous sommes les gardiens d'un idéal, nous sommes les gardiens d'une conscience». Tandem Paris-Madrid De l'autre côté des Pyrénées, M.Rodriguez Zapatero, alors leader de l'opposition espagnole, faisait feu de tout bois autour de cette guerre, en adoptant une position contraire à celle de M.Jose Maria Aznar, alors locataire bien assis de la Moncloa. Son discours «légaliste» qui reprochait au gouvernement son alignement sur une démarche en «dehors du cadre des Nations unies et du droit international» a suscité une mobilisation extraordinaire de la société civile espagnole, et par la suite, la victoire surprenante aux élections de mars 2004 qui furent marquées par des actes barbares commis par des ressortissants marocains sur le sol espagnol. Une telle victoire donnait l'accès effectif de ZP (Aapatero) au club du «camp de la paix». Un club, dans son tandem Paris-Madrid, que les sables mouvants du Sahara occidental vont révéler désormais sélectif, partiel, illégaliste, sans idéal et encore moins porteur d'une conscience!! Et cela, malgré le fait que le Royaume du Maroc occupe le Sahara occidental depuis 1975 en contradiction flagrante avec la charte des Nations unies, les résolutions du CS, l'avis de la CIJ et celles de l'UA (Union africaine). En dépit de l'état de siège instauré sur le territoire qui lui permet de commettre les violations les plus flagrantes des droits de l'homme (rapports d'AI, HRW). En dépit aussi de son maintien d'une grande armée derrière le plus long mur miné au monde implanté au détriment du développement au Maroc. Malgré le fait qu'il ait fait échouer trois plans de paix proposés par les Nations unies au cours de la dernière décennie (Rapport du SG de l'ONU, avril 2004), le dernier étant le fameux «Plan de Paix» pour l'autodétermination du peuple du Sahara occidental, dénommé Plan Baker, validé par le CS (1495 juillet 2003, 1541 avril 2004) et accepté par le Front Polisario, les deux parties observatrices, l'Union africaine etc. En dépit de tous ces faits, le Royaume chérifien demeure le protégé éternel de la France et du secteur dominant au PSOE. Le dernier ballet diplomatique des visites au Maghreb, et les déclarations inopportunes du MAE espagnol au quotidien madrilène El Mundo en donnent, une fois de plus, la preuve. La déclaration de M.Barnier, MAE de la France à Rabat, le 13 juillet 2004, appelant l'Algérie à donner «un nouvel élan» au dialogue «fondamental» avec le Maroc sur le Sahara occidental, démontre l'alignement clair de la France sur les rails de sa Majesté, approuvant ainsi une bi-latéralisation du conflit entre le Maroc et l'Algérie, contraire à la position de la communauté internationale, et qui n'existe nulle part que dans les rêves fallacieux marocains, et ses quelques inconditionnels au sommet du pouvoir à Paris. Cette inconditionnalité aveugle a amené le président Chirac à franchir le seuil du sens commun en faisant sienne la terminologie expansionniste marocaine «Provinces du sud du Maroc», lors d'une allocution début décembre 2001. Agissant ainsi, peut-on s'attendre à ce qu'un rôle quelconque soit attribué à Paris pour résoudre équitablement le dernier conflit de décolonisation en Afrique? Faut-il rappeler que, depuis l'intervention directe de ses «Jaguars» à côté des envahisseurs du territoire, les années 1970, ses actions destructives au sein du CS en faveur du Maroc et son lobbying actif en Europe d'instrumentalisation de ses institutions au service des thèses marocaines, la France s'est investie d'un statut de partie prenante du conflit, s'auto-excluant ainsi, davantage, de tout éventuel rôle de médiation. En Espagne, et après une courte phase de «Public Relations» dépêchant des ministres émissaires aux parties concernées y compris le Polisario, portant des messages rassurants, promettant une solution favorable à tous, ZP commence depuis juillet à montrer quelques aspects de sa «formule magique». Une formule qui ressemble à tout, sauf à la légalité internationale. Contrairement à Paris, Madrid tout au long des deux dernières décennies, a entamé une vision plus équilibrée du conflit lui permettant une contribution effective au processus de paix à toutes ses étapes. Ce privilège précieux est, hélas, en train de voler en éclats à cause, entre autres, de ce suivisme déplorable dont les socialistes espagnols font preuve à l'égard de la France. En témoigne l'appel explicite lancé par Zapatero à Alger le 14 juillet 2004, pour un accord de substitution du Plan de l'ONU mais qui «peut toujours intégrer ses éléments susceptibles de faire avancer les choses». Remise en question En effet, sans rejeter expressément le Plan Baker, le président du gouvernement de Madrid semble vouloir l'écarter en tant que plan de règlement d'un conflit de décolonisation, et ce, au profit d'un cadre quadripartite international dont ferait partie le «Maroc, les Sahraouis, la France, l'Espagne et l'Algérie si elle voudrait prendre part». Telle formule n'est qu'une démarche tendant à ramener de nouveau le conflit à la case départ et aux coulisses sombres des arrangements fragiles au détriment du droit inaliénable des Sahraouis à l'autodétermination. Cette remise en question du Plan Baker, est, en effet, celle des deux résolutions du CS votées par le gouvernement espagnol et par conséquent, constitue une remise en question de la légalité internationale qui fut sa chère «monnaie» en Irak, devenue désormais son ennemi numéro 1 au Sahara occidental. Trois jours auparavant, le 11 juillet 2004, son titulaire des Affaires étrangères M.Miguel Angel Moratinos, révéla, dans un entretien au quotidien madrilène El Mundo, une version, certes encore en «noir et blanc» de cette formule, mais qui pourrait retenir du Plan Baker seulement sa période transitoire, excluant l'essence par laquelle celui-ci gagna l'aval du monde entier, à savoir le référendum d'autodétermination. En couleurs, cette formule venait d'être reproduite le 20 juillet par le quotidien du ministère marocain de l'Intérieur «Aujourd'hui le Maroc». En somme, une feuille «sans route» taillée soigneusement de sorte qu'on ne franchisse pas les «lignes rouges» marocaines marquées par M.Benaïssa, et ne pas subir ainsi le même sort que M.Baker. En optant pour une telle position, le gouvernement socialiste emprunte le chemin équivoque dès le départ. Et, comme on est obsédé à La Moncloa par le fait de «tenir les promesses», Madrid se fixe davantage une promesse, qui pourrait être sa première grande promesse non tenue. Le Polisario a toujours fait preuve d'imagination et d'esprit constructif faisant toutes sortes de concessions afin de faire avancer «le train de paix» au Sahara occidental mais, le droit du peuple sahraoui à la libre autodétermination constitue la seule concession en dehors de leur capacité d'imagination. Là il ne s'agit pas d'une «ligne rouge» mais bien d'une raison d'histoire, du sens de trois décennies de souffrance et de martyre, bref une raison d'être et d'exister. Cela dit, il me semble tout à fait cohérent, voire nécessaire, qu'un débat au sein des médias et des milieux politiques des deux côtés des Pyrénées, prenne place afin de cerner les raisons de cette transformation extra-biologique des «pigeons de la paix en Irak» en «faucons au Sahara». Il va de soi que, de la part de «faucons» on ne peut s'attendre, dans le meilleur des cas, qu'aux «fauconneries».Le ballet diplomatique du nouvel axe Paris-Madrid, ce mois de juillet, en constitue le premier épisode. Chercheur sahraoui à l'université de la Sorbonne I