La zorna pour fêter le Nouvel An berbère La Numidie ou «Berbérie» était la troisième puissance autour du Bassin méditerranéen. La célébration de Yennayer qui a coïncidé avec la journée d'hier s'est caractérisée pour une fois par un programme riche et d'une bonne valeur intellectuelle. Fini les scènes de folklore où le tout se résume à des activités circonstancielles où «adhabal» (le tambour) et «lghidha» (la flute) sont légion. Depuis dimanche dernier la Maison de la culture Ali-Zamoum abrite des débats et conférences autour du thème. Que représente cette journée du Nouvel An berbère? Des spécialistes ont tenté de répondre à cette pertinente question. Le mot Yennayer est un mot composé de «Yen» dérivé de yioun (un) et de «Ayar» (lune). Il faut rappeler que les astres: la lune et le soleil ont toujours étaient deux facteurs déterminants dans le décompte des jours, de l'organisation sociale, de la répartition des activités tout au long de l'année dans les sociétés des empires numidiens, romains, pharaoniques... ce jour reste donc un repère qui marque la fin d'un cycle et le commencement d'un autre. Beaucoup par complexe ont essayé d'attribuer l'origine du mot aux civilisations gréco-romaines. La Numidie ou «Berbérie» et était la troisième puissance autour du Bassin méditerranéen. Le mot est d'origine berbère. Cette région a enfanté aussi des sommités: saint Augustin, Apulée de Madère (premier romancier de l'humanité). Yennayer c'est aussi un savoir agraire dont un éminent chercheur français disait «les paysans et les vieux d'Algérie n'ont rien à attendre des autres. Ils ont la clé pour ouvrir Rome ou la Grèce». Ce jour de l'An, le 2965e est un savoir agraire puisqu'il symbolise le renouveau de la nature, le début des activités en prévision de l'année surtout qu'en ces temps-là, l'autosatisfaction alimentaire était de mise et non des slogans comme de nos jours. Cette symbolique se retrouve aussi dans les rites individuels. Le jour de Yennayer, on n'avait pas le droit de balayer devant chez soi pour ne pas chasser le bien pensaient nos ancêtres. On coupait les cheveux de l'enfant pour marquer son «entrée» dans la cour des grands surtout que la hiérarchie au sein de la famille était de vigueur. On préparait des repas circonstanciels. Le couscous blanc préparé par la fille pour que son teint le soit. Le couscous à l'orge bien pimenté, plus noir lui, est réservé aux hommes qui doivent être plus rudes comme la nature. Ce plat qui a traversé plus de 20 siècles se composait de sept ingrédients. 7 étant un chiffre très en verve dans la tradition et qui représente les jours de la semaine, une autre entité de mesure dans le calendrier berbère. Parce que ce jour, le premier de l'An était important les mères et grandes mères sacrifiaient la poule ou le coq élevé toute l'année, une forme d'offrande aux «iassassen» (les surveillants) contre le mal. Un autre plat typique et réservé à cette journée est le «charcham». Du blé dur, des fèves asséchées, des pois chiches... sont cuits à la vapeur pour gonfler. «gonfler» veut dire augmenter, plus de volume dans cette tradition familiale. N'est-ce pas là un retour au principe fondamental de toute société à savoir gagner toujours plus. Une autre tradition consiste à ne pas barater le lait réservé aux enfants. Quand il est «caillé» le lait perd de son volume et de sa fluidité. Les berbères voyaient de mauvais oeil cette réduction. Yennayer demeure un fédérateur de l'unité, de la socialisation au même titre que «Thimachrat», une autre tradition qui réunit les composantes sociales dans leur diversité et rangs sociaux. La célébration de cette journée même si elle reste concentrée dans certaines régions du pays se trouve être un rappel de l'histoire mais et surtout une continuité dans l'avancée vers l'avenir. Yennayer c'est le pont depuis Babel jusqu'au satellite, le lien entre l'analogique et le numérique... une date qui marque les avancées d'une nation à la civilisation millénaire, d'une société qui a toujours refusé l'oppression depuis Massinissa, Jugurtha jusqu'à Hassiba, Omar le petit... «Ce jour ce n'est pas la robe, la poterie, l'art culinaire c'est la preuve d'une civilisation qui date de plusieurs millénaires que nous devons perpétuer. C'est notre raison d'être» commente une vieille en marge des festivités organisées pour la circonstance. Yennayer concerne toute l'Algérie. Il n'est ni l'apanage d'une région ni d'une personne, c'est un patrimoine national qui mérite d'être officialisé dignement et non par des galas, des expositions locales. Il doit d'abord être une journée fériée nationale. C'est le souhait de toux ceux qui hier, ont décidé de le fêter illégalement en s'absentant à l'école par exemple.