La campagne pour les scrutins présidentiel et législatif débute aujourd'hui sur fond de répression des médias et de boycott de l'opposition, le président Omar el-Bechir étant presque assuré d'être réélu. Candidat à sa propre succession à la présidentielle du 13 avril, M.el-Bechir, 71 ans, a pris le pouvoir en 1989 à la faveur d'un coup d'Etat soutenu par les islamistes, et ne l'a pas lâché depuis. Il est réclamé par la Cour pénale internationale (CPI) pour crime de guerre et crime contre l'humanité au Darfour, région de l'ouest du pays en proie au violences depuis plus d'une décennie. Mais celui qui cherche à «polir» son image à l'international, accueillant récemment le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, a allègrement ignoré ces accusations pour se rendre aux Emirats arabes Unis, dont il rentrera aujourd'hui pour le lancement de sa campagne. A son retour, «il va essayer de dire que le Soudan n'est plus isolé des autres pays arabes», estime Khaled al-Tijani, ancien rédacteur en chef d'un quotidien soudanais. Le parti d'Omar el-Bechir, le Parti du Congrès national (PCN), tiendra dès ce matin son premier meeting, à Khartoum. Les autres candidats - 14, selon la Commission électorale nationale (NEC) - ne devraient pas, eux organiser de grandes réunions ni fournir de réel adversaire au président. «Les autres candidats ne sont même pas vraiment connus du public, ils n'appartiennent pas aux principaux partis politiques, donc je pense que c'est une élection à un candidat», résume M.Tijani. Selon la NEC, 13.600.000 de personnes sont inscrites sur les listes électorales, pour une population estimée à 35 millions d'habitants. On ignore combien se rendront effectivement aux urnes, alors que les principaux partis d'opposition ont appelé à boycotter les élections, comme ils l'avaient déjà fait en 2010. Pour le scrutin du 13 avril, l'opposition a avancé vers plus d'unité et signé en décembre un accord, baptisé «l'Appel du Soudan» réclamant un gouvernement de transition garant de la tenue d'élections impartiales. Et certains opposants ont lancé une pétition demandant à Omar el-Bechir de se retirer, ce qui, admettent-ils eux mêmes, n'aura probablement pas d'effet concret. «Nous ne disons pas que nous voulons que personne ne vote, nous offrons juste un espace à ceux qui veulent dire non», explique Rabah al-Mahdi, fille du chef du parti d'opposition Oumma et membre du comité responsable des médias pour l'Appel du Soudan. Si le gouvernement semble à peu près certain de conserver le pouvoir, il n'en apparaît pas moins tendu ces derniers mois. En novembre, il a lancé une offensive contre les rebelles au Darfour, ainsi que dans les Etats du Nil Bleu et du Kordofan-Sud. Au Darfour, où depuis 2003 les rebelles combattent les forces gouvernementales, s'estimant marginalisés par l'élite de Khartoum, des milliers de personnes sont chassées de chez elles chaque semaine par les violences. En une décennie, plus de 300.000 personnes sont mortes et 2,5 millions ont été déplacées, selon des chiffres de l'ONU. Dans la capitale, le très puissant Service nationale d'intelligence et de sécurité (NISS) a particulièrement visé les médias, et saisi les rotatives de 18 journaux les 16 et 18 février, l'une des plus grosses opérations de ce genre ces dernières années. Les agents du NISS saisissent régulièrement des journaux lorsqu'ils publient des articles qu'ils estiment inappropriés, mais la dernière opération a aussi visé des journaux pro-gouvernementaux. Pour Reporter sans frontières, à l'approche des élections, ce genre d'actions «risquent de se multiplier». «Le gouvernement semble vouloir supprimer toute publication dont pourrait naître un débat», a affirmé l'ONG dans un communiqué.