6000 travailleurs risquent de se retrouver à la rue. «L'Encg est en train d'être privatisée sans la consultation du partenaire social», nous a indiqué, hier, Kamel Benabou, secrétaire général de la puissante Fédération des industries agroalimentaires (Ugta). A l'arrêt depuis plus de trois mois, faute d'approvisionnement, l'Encg est réduite, pour seule activité, à l'écoulement de son stock de produits finis. Contraints au chômage technique, 6000 travailleurs exerçant dans les différentes filiales risquent de se retrouver du moins partiellement à la rue. D'après des sources concordantes, ils sont au moins trois industriels privés algériens et étrangers à engager des négociations avec le ministère de la Participation en l'absence du partenaire social (Ugta) et ce, en contradiction de la loi sur la privatisation qui dit clairement, dans l'un de ses articles que la présence du partenaire social lors des «pourparlers» est obligatoire. Avec un découvert de plus de 800 milliards, l'Encg est réellement dans un véritable labyrinthe. 70 % des créances qu'elle détient sont au niveau d'entreprises publiques dissoutes à l'image des Aswak El Fellah. Le recouvrement des créances permettrait inéluctablement de sauver cette entreprise spécialisée dans les corps gras. Mais cela, et c'est indéniable, relève carrément de la gageure, sachant que le processus de recouvrement prendrait des années et interviendrait, suite, forcément à des décisions de justice. Quand on connaît toutes les lenteurs administratives qui existent dans notre pays, autant dire que ce n'est pas demain la veille.«Si les banques accordent les crédits nécessaires pour l'importation de matières premières indispensables au raffinage de l'huile de table, indiquent des sources syndicales, le temps du passage de la tempête, l'Encg sera sur pied, mais surtout disposera du temps nécessaire pour renflouer ses caisses en recouvrant ses créances.» La problématique réside justement là. La Banque algérienne du développement rural (Badr) refuse catégoriquement de dégager de nouveaux crédits exigeant d'abord le recouvrement des créances de l'Encg, évaluées en tout par les spécialistes à plus de 400 milliards de centimes. Dans son dernier entretien accordé au très officiel journal El Moudjahid, Sidi-Saïd n'a même pas, ne serait-ce qu'effleurer la situation dans laquelle se débat l'Encg qui, il n'y a pas si longtemps, inondait non seulement le marché national par ses différents produits, mais également s'est incrustée à l'étranger, notamment chez nos voisins et les pays du Golfe. Sidi-Saïd se contentera d'affirmer concernant la situation de l'agroalimentaire que «des discussions vont être engagées avec le gouvernement pour déterminer quel avenir accorder au secteur, quelle place sera celle de l'agroalimentaire dans le cadre du développement national et quelle synergie trouver aussi entre le public et le privé». Le discours habituel quoi. Mais malheureusement, pour l'Encg, le problème dépasse largement le stade des discussions avec le gouvernement. Selon des indiscrétions, les pourparlers engagés entre le ministère de la Participation et les trois prétendants sont déjà à un stade très avancé. Le groupe saoudien Savola serait fortement pressenti pour prendre la destinée de l'Entreprise nationale des corps gras. Que peuvent faire réellement les 6000 travailleurs de l'Encg pour défendre leurs emplois. Pour l'heure, le syndicat de cette entreprise a saisi la fédération de l'agroalimentaire qui a promis à son tour de déclencher la grève et d'occuper la rue dès la rentée sociale. Mais est-ce réellement suffisant pour renverser la vapeur au stade où sont arrivées les choses? Les travailleurs l'espèrent en tout cas. Cependant, c'est tout de même bizarre que les entreprises algériennes (privées et publiques) faisant face aux mêmes aléas et activant dans un même climat économique, le privé ne cesse de gagner des marchés et paradoxalement, les entreprises publiques continuent inexorablement leur descente aux gémonies.