René Vautier contre vents et marées est l'intitulé d'un documentaire qui sera réalisé à partir de projections intéressantes à travers l'Algérie que sillonnera le réalisateur via les ciné-pops... «J'ai toujours essayé de faire des films utiles. Je combats avec la caméra pour montrer les gens qui se battent pour des causes valables. Les images que je porte à l'écran sont au bénéfice des gens qui luttent. Je désire faire exprimer l'Algérie. Mon but, c'est de dialoguer à partir d'images sur l'histoire de la guerre en Algérie et sa conquête, discuter mais jamais plier sous la censure. J'aimerais qu'on écrive l'histoire»...a affirmé le scénariste et réalisateur français, René Vautier, lundi à la cinémathèque suite à la projection de deux de ses films documentaires Algérie en flammes (1960) et l'Aube des Damnés, coécrits avec Ahmed Rachedi (1965). Militant de la première heure pour la cause algérienne, René Vautier s'est très tôt engagé dans la vie humaine à militer pour l'Algérie, en Afrique ou en Bretagne afin de dénoncer les contradictions des systèmes en place. S'il s'est exprimé sur les luttes sociales en France (Quand tu disais Valery), la condition féminine (Quand les femmes ont pris la colère) ou l'Afrique (Afrique 50), René Vautier est surtout connu pour son engagement contre les exactions de l'armée française durant la guerre d'Algérie. Ainsi, Avoir 20 ans dans les Aurès représente l'une de ses oeuvres majeures ayant été diffusée plus d'une cinquantaine de fois. Cinéaste rebelle et prolifique, René Vautier aura connu également les foudres de la censure à de nombreuses reprises. Des emprisonnements, des grèves de la faim, et ceci est une réalité qu'il a tenu à relever. «A l'époque, il y avait une loi qui interdisait qu'on dise que l'armée tirait sur des Algériens». Afrique 50 lui a valu un an et demi de prison. «On n'a pas toujours la possibilité de respecter l'histoire», lâche-t-il. Une phrase cinglante qui témoigne de la nécessité, pire, de l'urgence aujourd'hui de réhabiliter notre histoire commune même si ces images de maquis «rabâchées» certes - nous les connaissons tous - il est un devoir de mémoire de reconnaître les faits «véridiques» de l'histoire et non truqués, 50 ans après. L'hommage que rend aujourd'hui la cinémathèque algérienne à René Vautier est une démarche salvatrice qui s'inscrit dans le cadre d'un projet initié par l'association Playtime, celui de tourner un documentaire intitulé: René Vautier, contre vents et marées, issu de plusieurs projections itinérantes à travers l'Algérie, qui se déplacera à Tizi Ouzou, Tébessa...et ce, jusqu'au 10 octobre. L'enjeu de ce documentaire est de refaire une dernière tournée ciné-pops avec Vautier. En effet, les ciné-pops, l'une de ses initiatives lorsqu'il était directeur du Centre audiovisuel d'Alger de 1962 à 1966, sillonnaient le pays pour projeter des films engagés permettant d'instaurer un dialogue avec la population et de faire naître une réflexion grâce aux images. Les films porteront sur la thématique de la guerre de Libération nationale. «Nous voulons avant tout laisser la parole au public algérien et tenter de cerner l'impact que les images de la guerre d'Algérie ont sur lui. Dans ce cadre, nous nous interrogerons sur les traces que les films, très engagés de René Vautier ont laissées en Algérie auprès des anciens comme auprès des jeunes générations (...). Il ne s'agit donc pas de dresser un portrait de Vautier, mais plutôt d'opérer un retour critique sur les différentes prescriptions de son oeuvre inscrite dans l'histoire et dans le devoir de mémoire», nous indique-t-on. Aussi, l'objectif de ce projet de documentaire nous assure-t-on, «est d'évoquer une vie de lutte par l'image et pour l'image, un parcours d'aventurier et de cinéaste : celui de René Vautier. Il est urgent de le faire maintenant de son vivant et en collaboration avec lui». De format 52 minutes, ce film retracera les péripéties de René Vautier en réactivant ses souvenirs du passé dans différents espaces qu'il a connus jadis dans sa terre d'adoption: Alger (Bab El Oued, la salle de la cinémathèque), la Kabylie (Béjaïa), Tébessa et Biskra. Images d'archives, photographies, coupures de journaux, lettres, actualités cinématographiques, musique d'ambiance...agrémentent bien sûr ces scènes du film, parfois fiévreuses ou nerveuses, selon l'évocation du passé ou du présent. Il sera utilisé notamment des enregistrements récents de chansons coloniales extraites du livre de Claude Lianzu, Quand on chantait les colonies. Il est prévu que Gnawa Diffusion réalise la musique du film. Surnommé L'homme de la paix, René Vautier aura reçu de nombreux prix qui ont émaillé le parcours de cet artiste militant atypique. Il n'est que justice aujourd'hui, en effet, de remercier et de saluer tous les efforts de sacrifice émanant d'une âme profondément humaine et humaniste que celle de René Vautier.