Il est capable de haranguer les foules même dans les régions censées lui être hostiles. Depuis ses premiers pas d'activiste pur et dur à l'université de Constantine, Abdallah Djaballah est connu pour être un homme de convictions, de l'avis même de ses adversaires politiques. Sa qualité d'excellent orateur a fait de lui un tribun hors pair. Même si certains de ses anciens compagnons au sein du mouvement Nahda l'accusent de nourrir un complexe vis-à-vis du numéro 2 de l'ex-FIS Ali Benhadj, en voulant à tout prix l'imiter aussi bien dans le verbe que dans le geste, Djaballah demeure un personnage atypique. Que ce soit en kamis ou en costume alpaga, le président du mouvement El Islah a toujours conservé les mêmes positions par rapport au projet «historique»(celui de l'édification d'un Etat théocratique) qu'il avait lui et ses «frères» de Rabitat Al Daawa Al Islamia concocté dans la clandestinité à la fin des années 70. Abdallah Djaballah qui privilégie l'action de proximité aux tractations de coulisses et de salons feutrés, est capable de haranguer les foules même dans les régions censées lui être hostiles, comme la Kabylie. Il est capable l'espace d'un meeting de se mettre, à la fois, en habit de démocrate et d'islamiste, de conservateur et de moderniste. Opportuniste, le leader d'El Islah fait feu de tout bois. Il ne trouve par exemple aucun inconvénient à faire partie d'une action politique initiée par les démocrates pour peu que celle-ci soit clairement définie et touche à des principes majeurs partagés par toutes les forces politiques, quelles que soient leurs convictions idéologiques. Ce fut le cas lors de la «protesta» de 1997 où islamistes et démocrates avaient dénoncé à l'unisson la fraude massive des élections législatives et locales. On a vu le président du MRN se mettre aux côtés de Saïd Sadi et Louisa Hanoune, scandant des slogans hostiles au pouvoir. Auparavant Abdallah Djaballah avait pris part à la réunion de San't Egidio, tant il s'agissait, entre autres revendications de ce groupe, de l'ouverture du champ politique, de la libération des détenus d'opinion et de la levée de l'état d'urgence. Des conditions qui, si elles venaient à être réunies, auraient permis à son parti de mieux se redéployer dans la société. Il est utile de rappeler que Abdallah Djaballah avait, lors de la dernière campagne électorale accepté de coordonner ses actions avec les candidats Sadi et Benflis dans le processus de surveillance du scrutin présidentiel. Tant d'indices qui font la personnalité politique de Djaballah qui était pourtant donné pour fini par les observateurs après sa démission du mouvement Nahda, en raison de son refus de cautionner le soutien de ce parti à la candidature d'Abdelaziz Bouteflika à la présidentielle d'avril 1999, arrive toujours à rebondir. Le raz-de-marée enregistré lors des dernières élections législatives et locales faisant du mouvement El Islah, la troisième force politique à l'APN après le FLN et le RND, dénotent le travail de structuration de ce parti à travers le pays. Se revendiquant de l'opposition véritable, le mouvement El Islah n'a pas hésité à ouvrir ses listes de candidatures à des éléments de l'exFis, ce qui avait amené le ministère de l'Intérieur à annuler plusieurs listes électorales. Pour avoir la sympathie de la base du parti dissous, Djaballah est allé jusqu'à demander l'amnistie générale en faveur des éléments des groupes armés.