Le Comité des Dix (C10 de chefs d'Etat de l'Union africaine, UA) s'est réuni hier en Zambie. Le projet de réforme du Conseil de sécurité et les propositions africaines pour la démocratisation et l'instauration d'un meilleur équilibre dans la représentation continentale dans l'instance exécutive de l'ONU était à l'ordre du jour. Il est patent que l'Afrique (55 Etats) est sous-représentée quand l'Europe (52 Etats) est surreprésentée avec trois membres permanents au Conseil de sécurité (France, Grande-Bretagne, Russie). Les résultats de la réunion seront présentés au prochain sommet de l'UA (en Afrique du Sud). Il est question de promouvoir la position africaine pour une véritable réforme de l'ONU et en particulier son Conseil de sécurité, dont la composante actuelle n'est plus représentative de la réalité de notre monde. Ainsi, l'Afrique revendique sept membres au Conseil de sécurité, dont deux permanents disposant du droit de veto. Une gageure en fait dont le sommet de l'Union africaine de 2005 - Consensus d'Ezulwini - en a fait sa priorité. Qu'en est-il dans la pratique? Ce n'est pas aussi évident de faire bouger les choses. En effet, il faut compter avec les pesanteurs d'une organisation des Nations unies sans dynamisme et un Conseil de sécurité contrôlé par les cinq membres permanents. Or, les «cinq» (les trois Européens plus la Chine et les Etats-Unis) pèsent de tout leur poids pour que rien ne change. Soucieux de leurs intérêts les puissants pérennisent une situation qui leur est favorable par la conservation du statu quo et le veto qui ont anesthésié l'organisation onusienne. Dans ce contexte il est peu probable que les choses évoluent si l'Afrique - et les continents sous-représentés - demeure en marge de la fixation des règles de fonctionnement de l'ONU. Et ces règles ont été établies en mai 1945 au seul profit d'un quarteron d'Etats au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Aussi, quelle est la place de l'Afrique dans l'institution onusienne en ce début du XXIe siècle? En fait, pour appréhender le dilemme africain, il faut savoir que l'ONU est dotée, si l'on peut dire, d'un pouvoir bicéphale: l'Assemblée générale - dont les décisions ne sont pas contraignantes (les pays africains, latino-américains et asiatiques y sont majoritaires) - et le Conseil de sécurité - organe exécutif dont les résolutions sont applicables et font force de loi (dominé par les membres détenteurs du veto). Dès lors, au Conseil de sécurité le jeu est brouillé ou le droit international tel que formulé par la Charte de l'ONU, n'entre pas en compte s'il heurte les intérêts d'une des cinq puissances détentrices du veto. Pour fixer les idées, revenons sur la récente demande d'adhésion de la Palestine à l'ONU. La majorité pour la Palestine a été écrasante à l'Assemblée générale de l'ONU, mais a buté sur le niet des Etats-Unis qui ont menacé d'user de leur veto au Conseil de sécurité. Ce qui démontre que la démocratie - préconisée par ceux-là détenant le pouvoir de blocage au Conseil de sécurité - n'a pas droit de cité au niveau de l'organe exécutif de l'ONU. Ce qui explique que le contentieux palestinien entré dans sa 68e année demeure insoluble. C'est dire combien les revendications de réforme de l'ONU et singulièrement du Conseil de sécurité sont pertinentes et vont dans le sens de l'efficacité à donner à une organisation de 70 ans, plus que jamais incapable d'agir sur les problèmes qui se posent pour la préservation de la paix, comme pour impulser le développement, notamment des pays en retard ou qui n'ont pu accrocher le train du développement. Ce qui est le cas de l'Afrique qui a mis beaucoup d'espoir dans cette réforme de l'ONU qui ne vient pas et qu'il serait hasardeux de conjecturer sur la possibilité du continent noir de disposer du poids indispensable pour influer sur un changement que, le moins qui puisse être dit, tarde à venir, pour ne pas dire remisé aux calendes grecques. Il y a en effet de quoi rester dubitatif si l'on excipe du fait que les choses n'ont quasiment pas avancé depuis la mise en branle de l'ambitieux projet de réforme de l'ONU, initié en 2000 par l'ancien secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan. Quinze ans après, force est de dire que le projet n'a pas bougé d'un iota et les discussions sur ce dessein restent évasives pour ne pas en dire plus. Quelles sont les potentialités des Africains pour réanimer un projet de réforme qui semble mort-né? C'est la question névralgique qui se pose. En effet, si réforme il y a, les grandes puissances tiennent à ce qu'elle se fasse à leur mesure: c'est-à-dire en accentuant leur pouvoir et le décalage actuel entre elles et le reste des pays du monde. Que peut l'Afrique pour changer cette donne? Telle est la question.