Scène du film Amnesia Barbet Schroeder est de retour à Cannes où il est doublement présent. En 1969, le premier film de Barbet Schroeder, More, est présenté à la Quinzaine des réalisateurs. Le film, devenu culte, est présenté à la section Cannes Classics dans une version restaurée et numérisée. Alors âgé de 28 ans, Barbet Schroeder y faisait preuve d'un bel avant-gardisme pour décrire le mouvement hippies, des années 68-69, à travers la rencontre de Stefan, un jeune Allemand et d'Estelle, une jeune Américaine dont il tombe amoureux et qu'il décide de suivre à Ibiza. Transporté par les accords, devenus, mythiques, «riffés» par les Pink-Flyod, More est un point de repère pour tous les cinéphiles. Barbet Schroeder est revenu sur la Croisette avec Koko, un gorille qui parle en 1977, Barfly une adaptation du sulfureux roman de Charles Bukowski, 1987, avec les inoubliables Mickey Rourke et Faye Dunaway et plus récemment avec L'Avocat de la terreur, documentaire autour de feu Me Jacques Vergès qui se distingua par la défense des militants du FLN et dont la carrière se caractérisera par une implacable défense, pendant la guerre de Libération nationale d'Algérie, de la militante Djamila Bouhired. Il boucle la boucle en tournant son dernier opus à Ibiza, sur l'île, où il a retrouvé le décor de More, la maison blanche face à la mer, celle de sa mère à laquelle il emprunte des éléments biographiques. Amnésia, qui se déroule dans les années 1990 est un film mélancolique, voire bucolique loin des paradis artificiels de More. Un jeune musicien allemand, Jo, qui vient de s'installer sur l'île, rêve d'être engagé comme DJ dans le club «Amnésia» pour faire connaître sa musique électronique. Il y rencontre Martha (la délicate Marthe Keller) qui vit seule, face à la mer, depuis quarante ans. Naît alors une amitié singulière entre cette femme d'origine allemande qui refuse de parler cette langue, de monter dans une Volvo et qui a abandonné son violoncelle depuis les années 1945. Jo avec l'énergie de son âge remet en question les certitudes de Martha et la fera renaître à la vie. Car l'amnésie dont il est aussi question est celle qui frappa les Allemands d'après-guerre plus soucieux de reconstruction que de réflexion, autour de ce qui s'était passé d'inavouable. «J'avais trois ambitions dès le départ, toutes à la limite de l'impossible ou en tout cas de ce qui est habituellement accepté ou montré au cinéma: tenter de faire d'un refus d'une langue le principal ressort dramatique d'un film; tenter de faire le récit d'une histoire d'amour se développant hors sexualité mais grâce à une succession de non-dits, entre deux personnages dont le lien est purement spirituel et platonique; tenter de donner le sentiment que c'est la vie elle-même qui coule jusqu'à ce que l'on découvre que c'est en fait un drame (le drame d'un pays) qui est en train de remonter à la surface. Bref, introduire le maximum de complexité sous le maximum de simplicité et de naturel», a expliqué le cinéaste. Pari tenu pour ce film aussi intimiste que très attachant.