Rien ne va plus, désormais, entre le gouvernement et son principal partenaire social. Qu'est-ce qui a bien pu se passer hier entre le secrétaire général de l'Ugta et le chef du gouvernement? Bien malin celui qui pourrait y apporter une réponse. Les deux hommes, Sidi Saïd et Ouyahia, devaient se voir, lors d'une entrevue classée « confidentielle », dans le but de fixer la date de la bipartite, mais aussi son ordre du jour. La rencontre, qui a duré toute la matinée, a débouché sur des «résultats» dont nous ignorons la teneur. Aucune information, ni gouvernementale ni syndicale, n'a en effet filtré hier. Les seules certitudes que nous ayons, dans l'état actuel des choses, c'est que la date de la bipartite, initialement prévue pour les 7 et 8 octobre prochains, vient d'être reportée de quelques jours. La date en aurait été fixée, croit-on savoir, pour le week-end prochain. Quant à l'ordre du jour, il est encore difficile de savoir si la politique gouvernementale concernant le secteur public a été, oui ou non, retenue. Les deux parties avaient convenu d'évacuer ce point, alors qu'il est devenu aujourd'hui difficile de persister dans cette démarche et de reporter ce débat pour la tripartite, attendue à la fin de l'année, à la lumière de l'effervescence qui a gagné une partie non négligeable du front social. La Centrale, comme nous expliquent des sources, se sent littéralement débordée sur les flancs avec les secteurs de l'éducation et de la santé, employant des centaines de milliers de travailleurs, dont le contrôle lui a totalement échappé, cela après l'enseignement supérieur. Ce n'est pas tout. Même les fédérations Ugta entrent en guerre de la manière la plus autonome qui soit, sans attendre le feu vert de leur Direction nationale. Il en va ainsi pour la Fédération des finances dont les troupes entrent en guerre dans les secteurs du Trésor et des impôts. Quant à l'agroalimentaire, force est de souligner que si la fédération a accepté de surseoir à son mouvement de grève, doublé de marches et de manifestations à travers tout le territoire national, ce n'est que sur demande instante du secrétariat national de l'Ugta en attendant que se tienne la bipartite, et qui y soit justement débattue la politique gouvernementale concernant le secteur public. Nul doute, ce disant, que ce sont les énormes réserves de change du pays, mais aussi les 50 milliards de dollars débloqués par le président Bouteflika, dans le cadre de son plan de soutien à la relance économique, deuxième du nom, qui fait «saliver» tout ce beau monde, conscient que c'est le moment ou jamais de décrocher le maximum de concessions sociales. En effet, même sur le plan politique, la réconciliation telle que prônée par Bouteflika, avec à la clé un «pacte social» devant être signé le 24 février prochain, avec une trêve devant durer aussi longtemps que le mandat du président lui-même, la conjoncture semble favorable à ce genre de montées au créneau intempestives. Le second point inscrit à l'ordre du jour de cette bipartite, le seul peut-être, a trait au projet de loi élaboré par l'Ugta relatif à la Fonction publique, et dont certains articles ont été amendés par le gouvernement, remettant en cause les postes de quelque un demi-million de fonctionnaires non encore permanisés. La Centrale, en somme, joue son va-tout dans ce dialogue qui s'annonce aussi serré que déterminant. Les analystes vont jusqu'à dire que c'est carrément l'avenir du secteur public, mais aussi de la Fonction du même nom, qui se trouvent présentement dans la balance. La seule note positive que brandissent nos sources, lesquelles demeurent malgré tout optimistes, a trait comme de juste au fait que Sidi Saïd et Ouyahia se connaissent trop bien, depuis le temps qu'ils dialoguent et négocient, pour se laisser distraire par cette furie générale, et mettre les pieds dans le plat. Même si nous risquons d'aller présentement vers une sorte de bipartite à blanc, il ne fait aucun doute que des concessions sociales de taille, pareilles à celles qu'avaient faites le président il y a de cela une année, pourraient intervenir dans le courant des semaines ou mois à venir. Nous y reviendrons en détail dans notre prochaine édition.