Matoub Lounès. Un nom qui résume une oeuvre artistique et poétique inédite dans les annales de la chanson amazighe Ils viennent des quatre coins de la wilaya de Tizi Ouzou, mais aussi et surtout des quatre coins de Béjaïa ainsi que de Bouira, Boumerdès, Alger, Oran, etc. Jeudi dernier à Ouaguenoun, des dizaines de jeunes de moins de 25 ans étaient agglutinés devant la statue de Matoub Lounès (en face du siège de la mairie). Il est 22 heures et la voix de Matoub Lounès, interprétant ses chefs-d'oeuvre ineffables, retentissait de loin. La statue du Rebelle était entourée de 17 bougies, comme les 17 années qui nous séparent du jour fatidique où les monstres avaient décidé d'éteindre une étoile. C'est au rythme de Matoub que cette soirée ramadhanesque s'est déroulée à Tikobaine(chef-lieu de la commune de Ouaguenoun) à laquelle le Rebelle a rendu hommage dans son dernier album Lettre ouverte..., en la citant nommément et en évoquant la nécessité impérieuse de défendre la culture amazighe: «Si Tikobaine, gher w Ath Ziki, idlès negh danagui, dazar-is ara nedfar», clamait le Rebelle. 17 ans après, les Ath Ouaguenoun s'en souviennent toujours. Ils lui sont restés fidèles. Ils ne sont pas les seuls. Partout en Kabylie, ce 25 juin a été décrété par le peuple: journée de Matoub Lounès. 17 bougies ont également été allumées au centre-ville de Tizi Ouzou. Devant la stèle du Rebelle au niveau du carrefour portant son nom, à l'entrée Ouest de la ville. Des jeunes, par centaines, sont venus se recueillir dignement à sa mémoire. Les mêmes images, on les retrouve presque partout dans les quatre coins de la Kabylie en ce jeudi 25 juin 2015. A Taourirt Moussa, village natal du Rebelle, c'est depuis mercredi dernier qu'ont commencé à affluer les admirateurs de Matoub Lounès. Les premiers à s'être retrouvés en fin d'après-midi de ce mercredi du Ramadhan, ce sont les militants de la cause amazighe des Aurès. Ils ont fait le déplacement par route et passé la nuit à Taourirt Moussa afin de pouvoir être présents durant toute la journée de jeudi. Une partie des Amazighs des Aurès sont venus de Tkout, apprend-on sur place. A J-1, la maison de Lounès a été déjà prise d'assaut. Ils sont venus des quatre coins de la wilaya de Tizi Ouzou, mais aussi et surtout des quatre coins de Béjaïa ainsi que de Bouira, Boumerdès, Alger, Oran, etc. Mais c'est jeudi dernier que Taourirt Moussa n'a pas pu contenir les milliers de citoyennes et de citoyens qui sont restés fidèles à cette tradition consistant à ne pas laisser le Rebelle seul en ce jour commémoratif. Il fallait aux membres de la Fondation Matoub Lounès beaucoup de dextérité afin de pouvoir juguler toute cette foule compacte et les centaines de voitures, fourgons et autres bus qui ne cessaient d'atterrir à Taourirt Moussa. Des efforts aussi s'imposaient afin de permettre à tout le monde de rejoindre Tala Bounane, lieu de l'assassinat du Rebelle avant 10 heures du matin. Malgré le poids de l'âge et en dépit des aléas de la maladie, Aldjia Matoub, mère de Lounès a tenu à faire également le déplacement. Malika Matoub était également là. Ainsi que des milliers de citoyens, d'élus, d'artistes, d'adolescents, d'enfants... Une minute de silence à l'endroit même où Matoub fut assassiné ne pouvait se tenir sans larmes. Les gerbes de fleurs ont été déposées sans interruption sur place et les slogans tirés essentiellement des poèmes du Rebelle fusaient sans interruption et à gorges déployées. Moment fort de la cérémonie de Tala Bounane: quand il a été procédé à la pose de la première pierre de la stèle qui sera désormais érigée à la mémoire de Matoub Lounès ici-même, à l'endroit où il fut assassiné. C'est l'Assemblée populaire de la commune d'Ath Aissi, limitrophe de celle où se trouve le village de Matoub, qui a pris cette louable initiative et qui a dégagé une enveloppe financière de 180 millions de centimes pour concrétiser la réalisation de ladite stèle à l'effigie du Rebelle. Même parcours du combattant en revenant vers le village Taourirt Moussa. L'esplanade faisant face au domicile du chanteur, le tombeau, l'espace des expositions, le garage où se trouve la Mercédès criblée de balles et tous les autres espaces sont noirs de monde. A la mi-journée, tout le monde a les yeux rivés sur le tombeau de Matoub. Recueillement, minute de silence, interventions avec des gorges nouées, réminiscences... Non, non, Matoub ne peut pas être mort. Quel est l'homme vivant qui peut rassembler autant de monde aussi spontanément? Seul Matoub, même assassiné, est capable d'un tel exploit. Durant toute la journée de jeudi dernier ainsi que pendant la soirée, on n'a cessé d'apercevoir des fidèles du Rebelle arriver et partir après s'être recueillis sur le tombeau et après avoir visité le musée et pris quelques photos. Un véritable phénomène de société jamais vu dans notre pays, d'autant plus que ces recueillements réguliers tous les 25 juin se font de manière spontanée, sans qu'aucun appel ne soit lancé auparavant par quiconque. Comme à Taourirt Moussa, avec moins de monde certes, mais autant de fougue et de conviction, partout en Kabylie, on a commémoré le 17e anniversaire de l'assassinat du plus grand chanteur kabyle de tous les temps. Il s'appelle Matoub Lounès. Un nom qui résume une oeuvre artistique et poétique inédite dans les annales de la chanson amazighe ainsi qu'un combat pacifique empreint d'un courage téméraire et d'une sincérité absolue qui ont fait du Rebelle un soleil qui luit même quand les ténèbres décident d'éteindre toutes les étoiles.