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Retour sur les lieux du crime
ENTRE BLIDA ET MEDEA, LE GIA ATTEND SON HEURE
Publié dans L'Expression le 25 - 10 - 2004

Dans l'absolu, un seul terroriste est déjà une menace à prendre en compte.
L'important dispositif de sécurité, qui longe l'axe Chiffa-Hamdania-Médéa, renseigne sur l'essentiel: la paix en Algérie reste encore un acquis fragile, précaire et qui n'éloigne pas la menace terroriste qui peut surgir à tout instant, pour peu que les conditions lui soient favorables.
N'était le massacre terroriste qui a ciblé les habitants de Bouarfa, au lieu-dit M'sennou, personne ne se serait soucié du terrorisme à Médéa. L'éclaircie sécuritaire et le long processus de paix, enclenché depuis 1999, ont eu l'effet pervers de scléroser les réflexes vitaux de peur et de crainte. «Nous avons fait part des menaces qui existent encore dans la forêt de M'sennou, aux citoyens de Hamdania et de Blida qui s'y rendent pour récolter olives, fruits, légumes ou miel. Nous les avons mis en garde à plusieurs reprises qu'il y a péril à se rendre dans cette forêt, en vain», soupire un officier de la gendarmerie de Hamdania.
Les escadrons de la gendarmerie qui stationnent à l'embouchure de Oued Chiffa et les points de contrôle qui pullulent sur la RN 1, et sur un axe de 45 km entre Blida et Médéa sont un indicateur qui ne trompe pas : nous sommes encore dans une zone qui présente des risques et il y a réellement lieu d'être vigilants. Sur les murs des brigades de la gendarmerie, des photos de terroristes encore recherchés sont accrochées : nous jetons un coup d'oeil furtif. D'anciens activistes du GIA y sont encore fichés: Rédha Mahnoun, né le 10 août 1966 à Zéralda, Douadi Kadour, Aoudache Mehdi, Si Larbi El Hadi, un natif de Médéa très actif, et bien sûr l'émir fantomatique Abou Tourab Rachid, qui n'a plus donné signe de vie depuis la mort de Zouabri, le 8 février 2002, et son intronisation à la tête de l'organisation, le 14 février, soit une semaine plus tard, par le biais d'un communiqué cosigné par son officier juridique, Abou El Abbès Elyas. Les citoyens, qui ont été tués avant-hier à M'sennou, habitaient Bouarfa, où ils ont été enterrés. Le danger, il l'avaient vaguement pressenti, mais la nécessité occupe dans la nature des choses un rang plus important que la crainte. Les lopins de terre à M'sennou sont de véritables petits paradis: tout ce qu'on y plante pousse. Avec le mois de Ramadan, les petites gens ont besoin de toutes leurs ressources pour joindre les deux bouts. C'est la première raison qui a incité les propriétaires de ces petits carrés de légumes à se rendre à M'sennou à partir de Bouarfa un sentier tortueux. On peut accéder au même endroit à partir de Hamdania, en traversant 5 km de bois dense, mais les gens prennent le raccourci et ne font plus attention aux dangers de la nuit, car tous les responsables politiques n'arrêtent pas de dire que le GIA est bien fini.
Nous poussons encore plus haut vers Médéa. L'ancien émir de la Ligue islamique pour la daâwa et le djihad, Ali Benhadjar, s'affaire dans sa boutique de plantes médicinales. Qu'est-ce qu'il pense de ce brusque retour du GIA. Il sourit : «Vous connaissez mes positions là-dessus, et je préfère ne plus en parler.» Oui, on sait très bien ce qu'il en pense, mais les nouvelles mutations des groupes armés se font très vite et un repenti, qui a «décroché» depuis plusieurs années, n'a pas les moyens d'en savoir plus.
Des gardes communaux de Tibhirine, Ouzera et Hamdania sont plus équivoques: «Nous pensons bien que des factions du GIA existent encore du côté de Tamesguida, Chréa, entre Médéa et Tablat, dans la forêt de M'sennou, aux environs de Zoubiria, de Medjbeur et d'Aouaouka, mais nous savons aussi, grâce aux témoignages de citoyens de ces zones, qu'elles sont très mobiles et se déplacent en nombre très réduit. Dire que le GIA est fini est un constat erroné, dire que le GIA est réduit à survivre et à s'attaquer à des cibles isolées est plus conforme aux réalités du terrain.»
Si les gens ont tendance à exclure le GIA de leur ligne de compte, c'est parce que le Gspc a pris les devants de la scène et s'est imposé comme l'organisation islamiste armée la plus importante en Algérie. Mais si on remet à jour tous les attentats et assassinats commis depuis deux ans à Tipaza, Ténès, Blida et Médéa (zones d'activité du GIA), on peut dire que le groupe islamique armé est encore là, tapi, diminué, certes, et crépusculaire, mais il existe encore. «Une vingtaine au plus», pronostique un chef militaire de la 1re RM. Une vingtaine de terroristes du GIA, c'est peu par rapport à ce que le groupe comptait, mais dans l'absolu, un seul : c'est encore l'insécurité.


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