La ville n'a pas dérogé à ses bonnes vieilles habitudes. Les soirées ramadanesques sont très prisées par la population oranaise qui y voit une occasion de se rendre visite, de déambuler dans les grandes artères de la ville ou encore de se mettre sous la dent une activité artistique, ressuscitée par le TRO, le Palais de la culture ou encore par la multitude d'associations qui sortent, comme par enchantement, de leur hibernation à chaque mois sacré. Pour cette année, la ville n'a pas dérogé à ses bonnes vieilles habitudes et elle continue d'être la lève-tard et la couche-tard qu'elle est. Le matin, engluées dans un sommeil qu'elles arrivent à chasser difficilement, les rues ne s'animent que de ménagères à la recherche du dernier ingrédient qui permet de réussir sa h'rira et par des grappes de travailleurs qui profitent de la sieste du chef pour aller prendre d'assaut les étals des marchés et autres magasins. Les esprits anesthésiés par le manque de cigarette et de café perdent toute lucidité. C'est une aubaine pour les voleurs et autres pickpockets qui s'en donnent à coeur joie dans les places fortes du commerce. M'dina J'dida, le marché de la rue des Aurès ou encore les autres places commerciales des quartiers populaires sont des terrains de prédilection de la faune de dépravés et autres marginaux. Pour cette année, les nouveaux responsables en charge de la sécurité urbaine ont adopté une autre méthode de travail qui semble donner des résultats probants. Des agents de l'ordre en civil et en tenue ont pris position dans des endroits stratégiques ou dans des quartiers qualifiés de chauds pour prévenir toute tentative d'agression sur des citoyens non accompagnés, égarés ou encore des femmes seules. Ce dispositif dissuasif est complété par des rafles inopinées qui permettent de vérifier la situation de tous ceux qui font montre d'un comportement douteux, violent ou agressif. La sécurité retrouvée, des familles ont repris leurs bonnes vieilles habitudes. Elles partent à l'assaut des rues du centre-ville après la rupture du jeûne et des bols de h'rira ingurgités à la hâte. Les cafés et les salons de thé sont pris d'assaut après le maghreb. Même les bars se mettent de la partie et Bacchus est chassé à coups de balai pour transformer les lieux en cafés où coulent à flot la musique raï, le café, le thé, la limonade et la chamia. Les magasins du centre se préparent à la campagne de l'Aïd. Certaines vitrines de prêt-à-porter annoncent déjà des arrivages, une façon de donner l'eau à la bouche du client déjà conditionné par une campagne publicitaire insidieuse mais qui ne se découvre jamais. Le théâtre, le Palais de la culture et les autres salles de spectacle sont envahies dès la dernière gorgée de café avalée. On se bouscule devant les guichets pour ne pas rater le spectacle de la soirée. La pièce qu'elle soit kitsch, ringarde ou vaudeville de mauvais goût, cela n'a pas d'importance, l'essentiel est de se faire remarquer dans les salles obscures ou les travées des théâtres.