Mobilis, est-il besoin de le rappeler, a connu un bond fulgurant depuis l'arrivée de Belhamdi à sa tête. Coup de théâtre dans le monde très surprenant de la téléphonie mobile. Messaoud Chettih, ancien P-DG d'Algérie Télécom, a-t-on appris de sources recoupées, «a été auditionné ainsi que bon nombre de ses proches collaborateurs par un magistrat avant d'être officiellement inculpé pour mauvaise gestion et malversations». Au stade actuel où en sont les choses, il est certes difficile de se montrer tranchant sur la nature véritable des griefs retenus contre Chettih en même temps que plusieurs autres cadres de l'opérateur historique de la téléphonie mobile et fixe dans le pays. Toujours est-il qu'il est possible de voir à l'oeil nu, la fulgurante progression de Mobilis depuis le départ de son ancien staff dirigeant et l'arrivée à sa tête de Hachemi Belhamdi alors que Brahmi Ouaret a pris la place de Messaoud Chettih. (Lire à ce propos l'article d'Amine Goutali). Quoique inculpés, Chettih et ses anciens collaborateurs, demeurent malgré tout innocents aux termes de la loi, en attendant que la justice tranche définitivement et que les responsabilités de chacun soient clairement définies. L'homme, qui a déjà été la victime de la chasse aux sorcières qui avait eu lieu en 1996, sous le règne d'Ouyahia I, a croupi en prison pendant plus de deux longues années avant d'être blanchi de toutes les accusations qui pesaient sur son dos. Ce n'était qu'un juste retour des choses, dès lors, que cet ancien P-DG de Sider, réhabilité sur la base d'une décision rendue au nom du peuple, bénéficiât d'une nouvelle promotion, à savoir devenir premier responsable d'Algérie Télécom. Chettih, que notre journal avait reçu dans le cadre de sa rubrique «A coeur ouvert avec L'Expression» s'était montré quelque peu «dubitatif» sur les prévisions de Mobilis concernant la téléphonie mobile. La raison n'en était pas seulement due à une supposée ou avérée incompétence des dirigeants de l'époque, mais aussi et surtout à des lourdeurs et vieux réflexes hérités de l'ancien mode de gestion. Chettih, qui avait clairement laissé deviner ces blocages et lourdeurs à cette occasion, souhaitait vivement qu'Algérie Télécom devint enfin une société par actions à part entière afin que son conseil d'administration puisse avoir les coudées franches dans sa gestion. Chettih n'en demeurait pas moins confiant, continuant d'annoncer le lancement de pas moins de 500.000 lignes Gsm pour avant la fin de l'année 2003. Bien entendu, il n'en a rien été. Dès le mois de juin de cette année, les choses, étant devenues intenables pour les dirigeants d'Algérie Télécom et de Mobilis, les responsables de ces deux entreprises avaient décidé de démissionner en même temps. Toutefois, nous croyons savoir que ces démissions auraient été exigées par le ministre des Postes et Télécommunications, Amar Tou. La supposition paraît d'autant plus plausible que le même jour, le 28 juin 2004 en l'occurrence, les remplaçants de ces deux responsables étaient nommés. L'ironie du sort aura ainsi voulu que Messaoud Chettih ait deux fois de suite maille à partir avec la justice sous le règne d'un même chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia en l'occurrence. Une question de moralité dans le droit se pose dans ce double cas de figure. Ouyahia, dans le milieu des années 90, avait ordonné la mise en prison de centaines, voire de milliers de cadres, pour mauvaise gestion, voire incompétence. Or, la loi peut-elle encourager cela? Les nouveaux code pénal et de procédures pénales, non encore adoptés et forts de plus de 1000 articles, abordent ce genre de questions, alors qu'il n'en est rien pour les textes actuellement en vigueur. Quand bien même c'eut été le cas, le premier responsable en serait l'exécutif, comme nous l'indique un juriste s'exprimant sous le sceau de l'anonymat puisque, nous dit-il, «c'est le gouvernement qui procède à la nomination des cadres et devient ainsi responsable de leur incompétence partant du fait qu'il est censé avoir effectué correctement les enquêtes d'habilitation d'usage». Aucun magistrat ni ministre, n'a payé pour avoir brisé la carrière et la vie de milliers de cadres algériens sur la base de décisions purement politiciennes. Une ironie ne venant que rarement seule, la seconde a voulu que Chettih n'aille pas en prison tout de suite alors qu'en 96, il avait été placé d'office en détention préventive par le magistrat instructeur de l'époque. Laissé en liberté provisoire, et sans doute privé de son passeport, il doit être en train de vivre un nouvel enfer, peut-être pire que celui des années 90. Joint hier par téléphone, le ministère de tutelle, sans aller jusqu'à démentir l'information, a souhaité ne faire aucun commentaire. Dans l'état actuel des choses, la présomption d'innocence étant toujours de rigueur, il est possible de supposer que le pire peut advenir aussi bien que le meilleur. N'ayant qu'une vague idée des charges retenues contre Chettih et ses collaborateurs, toutes les spéculations demeurent permises tant que le dossier demeure protégé par le secret de l'instruction.