C'est avec beaucoup d'intérêt qu'un public jeune a suivi le témoignage de cette moudjahida, depuis l'assimilation à l'indépendance... «Je ne pardonnerai pas à mes tortionnaires et je le maintiens. Quand on est sincère, on y croit et on fonce». Ces mots lancés lundi dernier à l'auditoire du village de Bouzeguène, une commune de 25.000 habitants à 57 kilomètres de Tizi Ouzou, renseignent bien sur toute la bravoure et la détermination de cette grande moudjahida Louisa Ighil Ahriz qui se présente d'abord comme «citoyenne algérienne». Invitée à l'occasion du 50e anniversaire du déclenchement de la lutte de Libération nationale par le cercle culturel «Igelfan» et l'association de la commune de Bouzeguène, à débattre autour de «l'assimilation, l'intégration, la torture et l'indépendance», Louisette, de son nom de guerre, a eu à son chevet une assistance de jeunes très réceptive à son saisissant témoignage. Après une brève présentation de Louisa Ighil Ahriz par le directeur du cercle, M.Chérif Messaoudène, cette dernière fera remarquer que la verve nationaliste a toujours existé dans sa famille. «Mon père, dit-elle, était armurier et c'est tout naturellement qu'on s'est tourné vers la guerre. On a été élevé avec cette attente du 1er-Novembre». A propos de l'assimilation qui commença dès 1830, «la conquête, souligne-t-elle, a eu lieu avec ce gros mensonge : le coup de l'éventail. Ce qui a induit l'expropriation de la terre et de la dépossession du sol selon la loi Varnier de 1973». Et d'ajouter: «Malgré la dépersonnalisation, le droit musulman était ancré dans nos traditions. Il fallait aller vers le massacre. L'indigène est meurtri dans sa chair. La famine et la maladie anéantissaient la population. Sur les 225.000 soldats morts, 12.000 étaient des tombes anonymes. Le 8 mai 1945, alors que la France faisait la fête, à Sétif, Guelma et Kherrata, on enterrait nos morts. La France n'avait pas tenu sa promesse de nous rendre notre liberté. Le massacre à Guelma a fait 50.000 morts. C'est là où le drapeau algérien a été hissé pour la première fois». Evoquant la situation professionnelle des Algériens à l'époque, Louisa révèle qu'elle était un dixième du salaire français. «En 1956, il y avait 400 000 appelés et l'ALN comptait 20.000 combattants. Des Français à l'image des médias et des intellectuels de gauche nous ont aidés. Plus l'oppression était forte, plus le peuple se raffermissait. C'était une guerre des plus meurtrières du XXe siècle qui a connu une difficile décolonisation», acheva-t-elle. Suite à cette conférence des plus enrichissantes, un diplôme d'honneur a été remis à Louisa Ighil Ahriz à titre de reconnaissance pour son combat d'hier et d'aujourd'hui. Répondant aux questions du public, avec précision et sens de la netteté, Louisa avouera que «l'Algérie traverse aujourd'hui un grand nuage après ce qu'on a donné pour recouvrer la liberté. Je vous dit, tenez bon!». s'agissant des Français qui ont reconnu la pratique de la torture, elle confie: «J'ai reçu Henry Pouillon qui, aujourd'hui, attaque les généraux français. Nous aurons raison, doucement mais sûrement. L'histoire le dira». Dans cette région du colonel Mohamed Oulhadj, il est bon de noter toute la symbolique de l'emplacement stratégique de ce cercle culturel «Igelfan» et l'énergie déployée par ses hommes. En effet, en plus du projet de la reconstruction de la première école qui date de 1896, il est prévu aussi le lancement de formation dans le cinéma pour les jeunes de Bouzeguène. Ces derniers viendront s'instruire dans un cadre naturel des plus reposants. En face du cercle Igelfan, derrière les montagnes de Benzikri, se trouve la maison où s'est déroulé le congrès de la Soummam, au nord-est de la commune. Dans le prolongement du Djurdjura, à côté, une belle vue nous surplombe, celle de la forêt d'Akfadou, le poste de commandement de la wilaya 3 du colonel Amirouche. C'est dire la valeur et la portée symbolique et historique de ce haut lieu culturel qui a eu la sympathie de nous inviter. Toujours dans le cadre de la commémoration du déclenchement du 1er Novembre, une exposition sur les grandes figures de l'histoire et la révolution algérienne, a eu lieu mardi dernier à l'hôtel El Aurassi. Amirouche, Bitat, Boudiaf, Didouche Mourad et tant d'autres moudjahidine, des noms qu'on ne peut oublier. Ces photos en noir et blanc ont retracé la mémoire nationale de notre pays. Cette exposition est l'oeuvre de ce chevronné et passionné d'archives, Abdou, son nom d'artiste.