Nouvelle flambée de violence en Irak, Falloujah attend l'offensive de l'armée américaine, l'état d'urgence est décrété. La situation générale en Irak s'est sérieusement dégradée ces deux derniers jours avec la nouvelle flambée de violence dont les premières cibles restent les éléments de la police irakienne qui est en train de payer le prix fort à l'instauration de la «pax americana». Plus de 60 personnes ont été tuées entre hier et samedi dont 26 policiers lors d'attentats à la voiture piégée, samedi à Samara, et 21 autres exécutés, hier, lors d'un assaut contre un poste de police à Haditha dans la province d'Al-Anbar. Cette recrudescence de la violence, que le gouvernement intérimaire n'arrive pas à contrôler et à maîtriser, a conduit le Premier ministre intérimaire irakien, Iyad Allaoui, à décréter l'état d'urgence sur tout le territoire irakien, excepté le Kurdistan, pour une période de 60 jours, a indiqué dimanche son porte-parole. «Après que le gouvernement eut épuisé tous les moyens (pour rétablir le calme), le Premier ministre, Iyad Allaoui, a décrété l'état d'urgence sur tout le territoire irakien, à l'exception du Kurdistan, pour une période de 60 jours», a affirmé à la presse Thaêr Al-Naqib. Il a justifié cette décision par le souci du gouvernement d'assurer la tenue des élections prévues en janvier 2005. Reste à voir si cette mesure, extrême, aura un impact sur la situation sécuritaire d'autant que plusieurs régions de l'Irak, telles celles de Falloujah, de Samara, et Ramadi, principales concentrations de la résistance à l'occupation sont quasiment en black-out et en état d'urgence depuis plusieurs semaines -Falloujah est assiégée, et bombardée sans répit, par l'armée américaine depuis le 20 octobre dernier- sans que cela se traduise par un quelconque apaisement ou une amélioration de la situation sécuritaire. Bien au contraire, l'on assiste à une sorte de progression géométrique de la violence dans un pays où les responsables politiques n'ont pas su saisir l'opportunité de restaurer la confiance dans les coeurs et de réunir le peuple irakien autour de la restauration des institutions d'un pays en total déséquilibre. Mais était-il possible qu'un gouvernement totalement inféodé à l'occupant américain puisse être celui auquel échoit la mission sacrée de rétablir l'Irak dans ses droits? La guérilla qui perdure, la résistance qui s'organise et rend coup pour coup sont autant de faits qui démentent que l'emploi de la seule force n'a jamais rien résolu, ce que, notamment, le Premier ministre intérimaire, Iyad Allaoui, ne semble pas avoir compris. Après des décennies de dictature du régime baathiste, les Irakiens avaient soif de liberté, et au moment où ils pensaient avoir enfin atteint ce but, ils se trouvent confrontés à une autre dictature, celle du gouvernement Allaoui, appuyé par les forces d'occupation américano-britanniques, qui ne semble avoir tiré aucune leçon du passé récent de l'Irak. Partisan convaincu de l'emploi de la force comme seule issue aux problèmes auxquels est confronté le pays, Iyad Allaoui, partisan déclaré de l'offensive finale contre Falloujah, a indiqué, samedi à Bruxelles, où il était l'invité de l'Union européenne, que «la fenêtre pour un règlement pacifique (reddition des résistants de Falloujah) est véritablement en train de se fermer», alors même que rien n'a réellement été tenté pour parvenir à un consensus avec les résistants de la ville sunnite de Falloujah. Cette ville dont la population est évaluée entre 250.000 et 300.000 habitants, s'est vidée, ces dernières semaines, de la moitié de sa population fuyant les bombardements et les raids en continu de l'aviation américaine, qui a fait des ravages parmi la population civile, première victime de ce bras de force entre les forces d'occupation et les groupes de résistance, nationalistes et islamistes, qui tiennent la ville rebelle. Ainsi, selon cheikh Abdel Moneim Al-Badrani, membre du conseil des oulémas (sunnites) irakiens, «depuis des mois, les forces américaines se préparent à l'offensive contre Falloujah, et la résistance en fait autant». Autant dire que la bataille qui se prépare à Falloujah sera sans merci d'autant plus qu'elle fait suite à celle d'avril qui a mis aux prises les deux protagonistes. Les conditions ont changé explique cheikh Al-Badrani qui indique: «La bataille ne ressemble pas à celle d'avril car il y a un très grand nombre de soldats américains déployés dans des localités autour de Falloujah, ainsi qu'à Ramadi et Khaldiyah à l'ouest, alors que les forces britanniques sont présentes au sud de Bagdad», précisant: «Il y a sept mois, la résistance a choisi de combattre à l'intérieur de Falloujah et pouvait compter sur des renforts de l'extérieur, mais cette fois c'est différent», indique cheikh Al-Badrani qui conclut: «Le facteur surprise est absent cette fois-ci. Elle a dû se déployer à l'extérieur de la ville pour attaquer ses ennemis partout où ils se trouvent.» De fait, dans le bunker de Falloujah, c'est la veillée d'armes et l'attente d'une offensive d'envergure, qui paraît imminente, de l'armée américaine soutenue par des supplétifs de la Garde nationale et de la police irakienne. Ces préparatifs de guerre n'ont pas laissé indifférent le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, qui a mis en garde, par lettre, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et le gouvernement intérimaire irakien «contre l'effet négatif que pourrait avoir un assaut sur Falloujah sur le bon déroulement des élections». Mises en garde dont n'ont cure Washington, Londres et Iyad Allaoui -qui vient de décréter l'état d'urgence pour faciliter cet assaut contre la ville rebelle-. D'autres souffrances, d'autres jours sanglants se préparent pour le peuple irakien qui continue à payer le prix (fort) des déviances de ses dirigeants.