Le secret, qui continue d'entourer les rapports médicaux, finira bien par être levé par la France. Yasser Arafat, déclaré mort à l'aube de ce jeudi, a été victime d'une bien curieuse maladie, qui n'est pas sans rappeler un empoisonnement. Pour s'en convaincre, il n'est que de se rappeler les premiers bulletins de santé de l'équipe médicale française, lesquels n'hésitaient pas à parler d'empoisonnement du sang, avant de subir des «contrôles» méticuleux, évitant scrupuleusement d'évoquer cette éventualité. Le mouvement Hamas, qui a été une des principales victimes du terrorisme d'Etat israélien, a ainsi multiplié les déclarations, exigeant que la lumière soit faite sur cette affaire et qu'une enquête soit ouverte afin de déterminer l'implication de Sharon dans ce énième assassinat d'un dirigeant palestinien. Dès lors, la piste de l'empoisonnement, de plus en plus évoquée à haute voix, est loin d'être écartée. Depuis le samedi 23 octobre où le Vieux Lion avait été déclaré souffrant, et son transfert en urgence vers Paris le 29 du même mois, les médias israéliens n'ont pas cessé de faire dans la surenchère, annonçant plusieurs fois des évanouissements, mais aussi une détérioration critique de son état de santé. Sharon, qui n'en rate pas une de mettre les pieds dans le plat, s'est littéralement trahi en soulignant que ce départ était «un aller sans retour». Celui pour qui le terrorisme d'Etat est un sport national ne pouvait guère s'arrêter en si bon chemin, anticipant la mort du président palestinien et mettant en avant son refus qu'Abou Ammar soit enterré à El-Qods. Il ne faut pas oublier, non plus, que de très hauts dirigeants de l'entité sioniste, à commencer par leur chef de file, avaient curieusement annoncé depuis de nombreux mois que «cette année serait la dernière» pour Yasser Arafat. Bref, les Israéliens ont nettement montré qu'ils en savaient bien plus qu'ils en voulaient dire. Trop d'éléments concourent, dans l'état actuel des choses, à accréditer la thèse de l'empoisonnement. La brusque et irréversible maladie dont a été victime Arafat n'est pas sans rappeler celle qui avait touché, en 1978, un autre grand leader du monde arabe et des causes mondiales justes, Houari Boumediene. Lui aussi, au fil de ses engagements humanistes et justes, avait accumulé les ennemis dans le camp sioniste et ses puissants alliés disséminés partout dans le monde. Si le crime ne pouvait avoir profité à quelqu'un d'autre qu'Israël, comme le prouve la jubilation de Sharon attendant impatiemment de prendre langue avec le nouveau président de l'Autorité palestinienne, il ne fait aucun doute non plus que le Mossad soit passé maître dans l'art d'assassiner par empoisonnement les gens qui dérangent. Arafat, pour ne citer que ce cas, a échappé à pas moins de treize tentatives d'assassinat, dont trois par empoisonnement. La CIA, alliée inconditionnelle des services spéciaux israéliens, n'est pas non plus en reste avec, notamment, les deux tentatives d'empoisonnement de Fidel Castro, sans parler de tous ses plans et complots visant à renverser tous les régimes qui ne lui sont pas totalement inféodés. Sur le plan technique, rien n'est plus facile d'arriver à ses fins, même si le Vieux Lion est connu pour son intelligence et son instinct lui permettant de déjouer miraculeusement tous les complots dont il est la victime. Lui-même raconte avoir eu une intuition miraculeuse en demandant à ses proches de quitter une salle où ils étaient en réunion à peine un quart d'heure avant que celle-ci ne soit soufflée par des missiles lancés par des avions de chasse israéliens. Le «flair» légendaire du Vieux Lion l'aura trahi pour une fois. Elle aura, hélas, été la bonne.