Bouteflika a porté une autre estocade aux islamistes avec cette décision. Deuxième pays après la France, en termes de nombre pratiquant le français en partage, l'Algérie se prépare à tronquer son costume d'invité contre celui de membre à part entière du regroupement. Et, cela même si le chef de la diplomatie algérienne, Abdelaziz Belkhadem, veut tempérer l'engagement de l'Algérie au sein de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF). L'Algérie, notamment, a-t-il déclaré «n'a pas encore décidé de rejoindre l'OIF ni de modifier son statut d'invité pour devenir membre de cette organisation». Cependant, la présence du président de la République M. Abdelaziz Bouteflika au 10e sommet de la francophonie qui se tiendra dans la capitale burkinabée, Ouagadougou, les 26 et 27 novembre 2004 est un prélude de l'adhésion de l'Algérie à l'OIF, selon des observateurs qui affirment que «l'Algérie n'a aucune raison de manquer un tel rendez-vous au moment où les Etats n'ont pratiquement aucun poids en dehors du regroupement». Depuis son élection à la magistrature suprême, Abdelaziz Bouteflika n'a jamais caché son penchant pour la francophonie. Une attitude mal perçue par le courant islamiste représenté aussi bien au sein de l'opposition qu'au sein de l'Alliance présidentielle déjà ébranlée. La réforme scolaire avec la décision de rendre, le mois de septembre dernier, l'enseignement du français obligatoire dès la deuxième année primaire en est la meilleure preuve. Cela ne veut nullement dire qu'il y aura abandon de la culture algérienne car l'Algérie est dans une logique euro-méditerranéenne. De ce fait, il y a privilège mais pas exclusivité. La France, ayant senti le vent tourner en sa faveur et que Bouteflika se détache de plus en plus du courant arabo-baâthiste, a décidé, d'ailleurs, d'augmenter le montant de l'aide apportée à l'Algérie en matière d'éducation et de formation. Le budget de la coopération vient d'être porté à 16 millions d'euros. Une réponse claire aux conditions des autorités algériennes qui avaient jugé qu'il fallait, avant de rejoindre l'OIF, tirer avantage «des institutions ayant le français en partage». C'est dans cette optique que Jacques Saâda, ministre de l'Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec et ministre responsable de la Francophonie, invitant le président Bouteflika à «participer pleinement» à ce 10e sommet, a tenté de se montrer convaincant en soulignant que «les conditions sont désormais réunies pour que l'Algérie joue un rôle clé dans la francophonie». L'argument est d'autant valable aussi bien au plan politique que socio-économique avec l'avènement, de par le monde, de plusieurs entités régionales seules à même de défendre les intérêts des pays membres. La guerre de leadership que se livrent en sourdine les Etats-Unis et l'Europe par l'intermédiaire de la France, fait que l'Algérie est devenue une cible de convoitise privilégiée. Le séjour à Alger, les 12 et 13 octobre dernier, de Xavier Darcos, ministre français de la Coopération, du développement de la francophonie, a été mis à profit pour inviter le président Bouteflika à prendre part à ce 10e sommet. En effet, la France a beaucoup à gagner à voir l'Algérie adhérer à l'OIF. D'ailleurs, l'installation du Haut Conseil franco-algérien pour la coopération universitaire et de recherche, l'Ecole supérieure algérienne des affaires et la création d'une université franco-algérienne inaugurée lors de la visite de Darcos, sont des signes qui ne trompent pas que la France n'est pas près de céder aux Américains une région qu'elle considère comme chasse gardée. Ces décisions ont fait dire à Darcos dans un entretien accordé au journal Le Monde : «Derrière tout cela, il y a le choix volontariste de l'Algérie d'entrer dans une économie de marché et de promouvoir la francophonie.» L'engagement de l'Algérie au sein de l'OIF n'est donc plus qu'une question de temps, en dépit du souhait de Belkhadem de voir l'Algérie intégrer le Commonwealth. C'est dans ce sens que peut être interprétée la décision des Etats-Unis d'inclure l'Algérie dans le nouveau programme de financement que les Américains auraient lancé dans le cadre de «l'initiative de Partenariat du Moyen-Orient» ( Mepi), lancée il y a 18 mois, en direction des pays d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Ce nouveau programme d'un montant de 18,5 millions de dollars sera mobilisé par les Etats-Unis pour le financement de projets de partenariat avec l'Algérie, la Tunisie, le Maroc, l'Egypte, la Jordanie ainsi que la Cisjordanie et la bande de Gaza et ce, notamment dans les domaines éducatif (écoles primaires et lycées), universitaire, y compris les stages de perfectionnement, ainsi que des programmes spécifiques pour la promotion de la femme dans ces six pays. Pour les universités des six pays retenus, un montant global de 700.000 dollars leur est prévu pour contribuer à l'amélioration de l'enseignement, de la recherche et pour l'achat d'équipements. En ce qui concerne l'Algérie, le programme de coopération dans le cadre du Mepi sera, pour l'instant, concentré sur le système éducatif et universitaire, la réforme judiciaire et les organisations non gouvernementales (ONG), a indiqué à l'APS le sous-secrétaire d'Etat américain chargé des affaires du Moyen-Orient, Scott Carpenter, lors d'une table ronde organisée par le département d'Etat avec les représentants de la presse arabe à Washington, à l'occasion de l'annonce de ce nouveau programme de financement. Une façon comme une autre de contrecarrer la francophonie dans le nord de l'Afrique.