Les premières constatations laissent supposer que les enquêteurs contrediront, éventuellement, les arguments brandis par le premier responsable de la Cnan. Entre le Snommar (Syndicat national des officiers de la marine marchande) et les familles des victimes d'un côté, et le Groupe Cnan de l'autre, le climat est toujours tendu. Alors que le premier responsable de la Compagnie nationale de navigation s'apprête à introduire une plainte contre le Snommar pour «désinformation et outrage», les familles des victimes, affirme-t-on, ne tarderont pas à saisir la justice contre la Cnan pour non-assistance à personne en danger. C'est une véritable guéguerre que se livrent les deux parties antagonistes depuis le lendemain de la catastrophe. Le premier responsable de la Cnan avait tendance jusqu'ici à incriminer l'équipage en tirant à boulets rouges sur les commandants des deux navires et en mettant en cause l'absence du commandant et du mécanicien chef à bord des navires. En outre, le directeur, de la Cnan rejette en bloc les révélations faites par les commandants Lakkel et Chabani. M.Koudil, directeur de la Cnan, est allé jusqu'à l'extrême de la polémique en qualifiant le Snommar de «syndicat nébuleux constitué de marins revanchards». Le porte-voix du Snommar, M.Said Zermoune est indigné par ces propos, y voyant une «insulte». Quant au Snommar/Cnan, il estime aussi dans une missive adressée à notre rédaction, en guise de réplique, qu'il est «une organisation syndicale agréée par l'Etat algérien depuis plus de deux ans. Ses responsables sont connus», ajoute-t-on et «les nombreuses correspondances que M.le P-DG de la Cnan a échangées avec elle attestent de la contradiction de ses propos». Les officiers du Snommar, rencontrés, hier, dans les locaux de leur syndicat, lèvent le voile et contredisent M.Ali Koudil. Pour celles relatives à l'état de navigabilité du Béchar et du Batna, le secrétaire général du Snommar/Cnan s'interroge sur le fait que sur l'ensemble des navires en rade, il n'y a que le Béchar et le Batna qui ont connu une fin tragique, «tous les autres navires ont réussi à se mettre à l'abri, en toute sécurité». Pour illustrer ses propos, notre interlocuteur évoque l'exemple du navire Belabbès qui se trouvait très proche du Béchar le jour de la tempête. Une interrogation s'impose en effet : pourquoi le Béchar a fait naufrage alors que le Belabbès a gardé son parfait équilibre? Cette «défaillance» ne peut être expliquée, dit-on, que par l'état de vétusté et de non-navigabilité des deux navires en question. D'ailleurs, les premières constatations de la commission d'enquête confirment la vraisemblance de cette version qui demeure pour le moment une hypothèse. Justement, en parlant du travail d'investigation mené par cette commission, l'on privilège plutôt cette piste avancée par le Snommar et les commandants de bord des deux navires. Possible même, selon certaines sources, que l'enquête se prononce sur une «dérive» dans la gestion de l'entreprise Cnan. Cette compagnie de navigation est, depuis l'accident, au centre de vives polémiques sur sa responsabilité dans l'état de délabrement très avancé des deux navires. Cela dit, la présence du commandant du Béchar et du mécanicien chef à bord du navire «ne servait à rien du moment que les moteurs étaient en panne, ou plutôt de faible puissance». Du moins, c'est ce qu'estiment nos sources en faisant référence aux premiers éléments d'investigation. L'impuissance des moteurs a rendu quasi impossible la maîtrise du bateau, a-t-on déclaré également. «Il fallait aussi attendre que l'ancre soit levée pour pouvoir contrôler le navire». Pour ce qui est de l'absence du commandant du Batna et du mécanicien de leur poste à bord du navire, le Snommar/Cnan considère qu'«il est du seul ressort de l'administration maritime de statuer sur leurs cas». M.Zermoune estime, de son côté, que l'équipage ne peut être débarqué sans l'autorisation de l'armateur. Les résultats de l'enquête devront être rendus publics dans les jours à venir. Les premières constatations incitent à croire que les enquêteurs contrediront, éventuellement, les preuves et les garanties brandies récemment par le premier responsable de la Cnan.