La loi de finances 2005, qui a fait couler beaucoup d'encre, vient d'être adoptée à l'unanimité. Le Conseil de la nation, sur lequel étaient braqués les yeux et auquel incombait la responsabilité de décider du sort du projet de loi de finances 2005, a opté, hier, pour « une décision sage » en adoptant le texte tel qu'amendé par l'APN. Le président du Sénat, Ahmed Bensalah, avait déclaré, à l'issue du vote, la mort dans l'âme, que le quitus apposé ainsi aux amendements introduits par les députés de l'APN ne relevaient pas d'une profonde conviction, mais d'un souci de préserver les institutions d'une crise dont ils auront fait l'économie, car certaines dispositions telles celles portant les numéros 49, 50, 59 et 66, notamment celle relative à l'interdiction de l'importation des vins est en totale déphasage, voire en contradiction avec les engagements internationaux. Cette disposition antinomique avec les réformes n'a de but que de retarder la mise en branle du processus économique. Le ministre des Finances affichait, au sortir de la plénière, un air confiant bien qu'il contenait mal sa déception. Il faut dire que c'est la seconde fois qu'il est ainsi désavoué et renvoyé dos à dos avec un texte qu'il avait concocté pour entrer de plain-pied dans l'ère du libéralisme. Tarabusté par les journalistes, le ministre reconnaîtra être satisfait du contenu du rapport de la commission dans lequel il entrevoit une avancée dans la compréhension de la nécessité des réformes. Quant à notre question: «Souhaitez-vous que le texte soit bloqué?», il répondit sans ambages: «Non.» «Comptez-vous revenir à la charge avec les articles annulés et ceux amendés?», il répondra avec un rire forcé: «Bien sûr, ce sera pour 2006.» A l'entendre, on comprendra que le grand argentier du pays n'est pas près de lâcher prise et que le jeu en vaut la chandelle. C'est un véritable rapport de force entre deux idéologies qui s'illustrent dans les deux chambres et au sein du gouvernement. Cela dit, si le texte est passé sans coup férir, il n'est pas impossible que pour honorer ses engagements vis-à-vis de ses partenaires étrangers, on ait recours à l'élaboration d'une loi de finances complémentaire, mais cette mesure échoit au président de la République. «Seul le président est habilité à prendre cette décision». Concernant les couacs qui ont émaillé le vote au sein de l'APN, le ministre a jugé cette situation incohérente vu que la coalition gouvernementale, présente en force à l'APN, a fait preuve de «désobéissance» en faisant primer le politique sur l'intérêt économique, se désolidarisant ainsi du chef de l'Etat qui avait pourtant sollicité leur soutien indéfectible. Il conclura en affirmant que «la loi de finances est un acte qui oeuvre vers une nouvelle orientation sociale». Lors de la lecture des conclusions par Bensalah, ce dernier, tout en émettant des réserves concernant le texte dans sa version amendée, a relevé la faiblesse et l'anachronisme de la loi 99-02 relative au fonctionnement des deux chambres et aux relations de celles-ci avec le gouvernement. Il a suggéré de combler ce vide juridique qui limite les prérogatives de la chambre haute qui se trouve ainsi dans l'embarras d'adapter des textes sans avoir à dire son mot. C'est une manière de demander au gouvernement de revoir ses cartes et de reconnaître en le Sénat un allié sûr dans les moments difficiles, mais cela ne pourra être concret qu'après une révision de ladite loi, qui ne lui permet pas actuellement d'introduire des amendements ni même des retouches. Les sénateurs n'ont que le pouvoir de l'adoption ou du blocage.