Dans son intervention, le président Bouteflika a mis l'OIF sur l'orbite du développement durable. La crise en Côte d'Ivoire a pris la part du lion dans les résolutions du 10e Sommet de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF). Les chefs d'Etat ou de gouvernement présents à Ouagadougou ont foncièrement insisté sur la «stricte application» des accords de paix de Marcoussis. «Marcoussis et Accra III constituent la seule voie pour une réconciliation durable en Côte d'Ivoire», lit-on dans la résolution qui a sanctionné le sommet de la francophonie. Condamnant fermement «les attaques meurtrières provoquées par les Fanci (Forces armées nationales de Côte d'Ivoire) au nord de la Côte d'Ivoire, y compris contre la force Licorne (forces françaises d'interposition) agissant sous mandat des Nations Unies», les présidents ayant le français en partage, reconnaissent la légitimité de la présence militaire en Côte d'Ivoire. Sur cette question, le président Chirac a donc renforcé sa position face à Abjdjan qui a tenté de jouer la carte «colonialiste» de la France pour torpiller les accords de Marcoussis. La résolution du Sommet de l'OIF n'omet pas, à ce propos, d'exiger des «autorités ivoiriennes de mettre un terme aux incitations à la haine véhiculées par certains médias et d'assurer la protection des communautés étrangères qui vivent dans ce pays», et de mettre un terme aux «exactions perpétrées contre les ressortissants étrangers et la population civile en général», sachant que les ressortissants français représentent l'écrasante majorité des étrangers «indésirables» en Côte d'Ivoire. C'est dire que la question ivoirienne a supplanté l'essentiel des préoccupations énoncées par les chefs d'Etat qui se sont relayé à la tribune du Sommet. Pourtant, les observateurs n'ont pas manqué de relever la pertinence des discours qui ont largement débordé de l'aspect strictement culturel pour aborder des questions autrement plus cruciales pour les populations francophones qui souffrent de malnutrition, de famine et du sida. Dans son intervention, le président Bouteflika a insisté sur les dimensions sociales et économiques et mis l'OIF sur l'orbite du développement durable. Dans un discours, le chef de l'Etat a rappelé que «le partage de l'usage de la langue française ne pouvant représenter une fin en soi, il était naturel, et dans une certaine mesure, nécessaire que cette solidarité sorte du cadre culturel strict et s'étende aux préoccupations économiques et sociales». Et au président de la République de constater que le fossé entre le Nord et le Sud «ne cesse malheureusement de s'élargir et la mondialisation telle qu'elle se présente jusqu'à maintenant ne fait qu'aggraver cet état de choses.» Cela intervient, souligne le chef de l'Etat, au moment où «les décisions n'ont pas manqué au niveau international pour contribuer à atténuer ces déséquilibres.» Sans faire montre de pessimisme, Bouteflika dresse un bilan d'échec à toutes les tentatives internationales pour assurer la prospérité à tous. «Les programmes successifs adoptés n'ont pas abouti aux résultats escomptés et ces échecs répétés sont reflétés dans les qualificatifs qui ont fait passer le développement du développement économique au développement économique et social puis au développement pour tous, au développement endogène, à l'éco-développement et aujourd'hui au développement durable». Un constat sans complaisance qui ne l'empêche pas de qualifier de «démarche particulièrement intéressante» la prise en charge «du développement durable par l'Organisation internationale de la francophonie». Le fait que «l'organisation réunit des pays développés et des pays sous-développés que l'usage de la langue française rapproche et qui facilite leur compréhension mutuelle», constitue le premier atout de la démarche, semble dire Bouteflika. Rappelant les énormes défis qu'affronte le continent africain, le président de République a souligné la nécessité de la solidarité internationale pour sortir l'Afrique de son sous-développement. En fait, l'intervention de Bouteflika a été remarquable au sens où il a donné à la francophonie une opportunité de constituer un bloc solidaire, à même de faire face à la mondialisation à sens unique. Cependant, cette approche généreuse du rôle de la francophonie dans le monde est passée au second plan derrière le problème de l'heure qu'est la situation en Côte d'Ivoire. Enfin, l'on apprendra, à l'issue de la rencontre, que les deux prochains sommets de l'OIF se tiendront en Roumanie en 2006 et au Canada en 2008.