La résistance qui s'oppose à l'importation de viande fraîche dit être forte de près d'un million d'adhérents. A bien réfléchir, la sortie de l'Unpa (Union nationale des paysans algériens), contestant l'importation de viandes fraîches, et sans doute aussi des moutons de l'Aïd, promet de faire couler force encre et salive, mais aussi de «tiédir» la volonté gouvernementale de briser les puissants lobbies des maquignons et des bouchers en train de «saigner» à blanc les pauvres consommateurs algériens. Le gouvernement, qui n'en est pas à un séisme interne près, risque fort de subir de nouveaux soubresauts à la suite de cette sortie, pour le moins inattendue. Le risque est grand de voir Saïd Barkat tempérer quelque peu ses ardeurs en attendant de sonder le pouls de l'Exécutif, mais aussi du Parlement où les «paysans» comptent beaucoup de soutiens et d'«amis fidèles». L'Unpa, au même titre que les anciennes organisations satellitaires du FLN, pèse encore lourd dans le «grand système» décisionnel du pays. Outre le fait qu'elle revendique plusieurs centaines de milliers d'adhérents, répartis à travers tout le territoire national, elle compte également des «amis», des «cadres» et des «élus» présents au sein des deux principaux partis de la coalition gouvernementale, à savoir le FLN et le RND. C'est donc un véritable grain de sable dans la machine de Saïd Barkat, ministre de l'Agriculture, qui vient de se glisser, menaçant de faire capoter son plan relatif à une meilleure gestion des coûts de la viande rouge dans le pays. Il faut dire que tous les plans, jusque-là visant à en réduire le coût, se sont brisés sur la «ténacité» d'un lobby dont la puissance politique n'a d'égale que l'aisance financière érigée sur le dos des pauvres consommateurs algériens. Le seul choix qui s'imposait, donc, était de quitter définitivement le circuit classique, face à l'impossibilité de l'infléchir de quelque manière que ce soit, afin de recourir à une opération d'importation massive de viande fraîche de très bonne qualité en attendant que les moutons sur pied suivent eux aussi le même circuit. La meilleure preuve que ce choix, au demeurant inéluctable, a énormément dérangé ce lobby c'est que beaucoup de bouchers et de distributeurs ont refusé de vendre ou revendre la viande importée, qui à cause de la faible marge bénéficiaire, qui sous prétexte que l'accessibilité au produit, serait très difficile. Il s'est même trouvé quelques «dégourdis», comme nous le rapportions dans certains de nos reportages parus durant le mois de Ramadan, pour mêler les viandes locales et importées afin de les vendre au même prix, maximum s'entend. Toujours est-il que le bras de fer ne sera pas de tout repos entre ces puissants groupes de pression et le gouvernement, vraisemblablement contraint de lâcher du lest, comme il a été obligé de le faire concernant l'importation de boissons alcoolisées. Il faut dire, en effet, que la libéralisation du prix de la viande est incontournable, notamment dans le cadre de l'entrée en vigueur de l'accord d'association avec l'Union européenne, que de l'adhésion de l'Algérie à l'OMC. Le prix de la viande, au cours normal pratiqué de par le monde, devrait osciller entre 400 et 500 dinars. Ce produit est donc cédé presque deux fois son prix. Il en allait de même pour le café et le sucre, pour ne citer que ces deux exemples avant qu'ils ne soient «libéralisés» et que leur commerce ne soit autorisé à différents acteurs intervenant en amont et en aval de la filière. Pour revenir au sujet de la viande, il convient de souligner que l'Unpa manque franchement d'arguments quand elle refuse l'importation sous prétexte qu'il faut protéger la production nationale. Outre le fait que celle-ci n'a jamais profité des monceaux d'argent amassés sur le dos des citoyens pour initier des investissements porteurs, il faut dire que la concurrence ne peut en aucun cas déranger la vente de la viande locale, particulièrement appréciée pour sa saveur et parfois même pour sa valeur nutritive.