Le propos est d'un responsable de l'Otan qui estime que l'arrivée de notre pays a dopé le processus de sécurisation de la Méditerranée. Notre pays constitue une force qui compte dans le Sud méditerranéen. C'est ce que confirme la journée d'étude organisée hier à Alger, à l'occasion du dixième anniversaire du dialogue Otan-Méditerranée. Tous les experts, officiers et ambassadeurs présents se sont accordés à dire que «l'Algérie a donné un coup de fouet à cette dynamique lancée en 1995, parallèlement au processus de Barcelone». L'Algérie n'y a souscrit qu'en 2000, quelques mois après l'arrivée de Bouteflika à la tête de l'Etat algérien. Pour ce qui est des raisons de ce retard, Mohamed Hanèche, directeur général Europe au ministère des Affaires étrangères, responsable politique de ce dialogue, nous rappelle que «l'Algérie était en crise, faisait face toute seule au terrorisme et ne pouvait donc pas intégrer une pareille démarche». Il a tenu à rappeler, au passage, que «le retour en force de l'Algérie sur le devant de la scène diplomatique n'est pas qu'une simple vue de l'esprit comme peuvent en témoigner les conditions strictes émises par Belkhadem devant Powell lors des travaux de l'Osce». Les activités menées de concert entre l'Algérie et l'Otan sont allées crescendo, passant de 8 en 2000, 24 en 2001 à 30 en 2004. La confiance définitive en notre pays est intervenue à la suite de la venue en Algérie de la première flotte de force sud-méditerranéenne en 2002. Pas moins de 20 activités militaires, plus ou moins importantes, ont ainsi été menées ces derniers mois depuis que le déblocage politique a été rendu possible grâce à la visite effectuée par le président Bouteflika au siège de l'Otan, puis celle à Alger du secrétaire général de cette force multinationale, Jaap de Hoop Sheffer. L'Algérie, désormais bien intégrée dans les 26+7, refuse de subir de fausses contraintes. Israël siège ainsi à l'ONU au même titre que notre pays. La même chose se passe au sein de l'Otan-Méditerranée, où des pays comme l'Egypte, la Jordanie et d'autres, nous ont précédés depuis de nombreuses années. Les principes, eux, ne changent pas, même si les intérêts suprêmes de la nation doivent primer. C'est pour cette raison, du reste, que Belkhadem a réitéré les conditions de notre pays concernant le dialogue politique sans lequel une coopération militaire pleine et entière ne saurait être sérieusement envisagée. De même, le colonel Benhemla, en charge de la dimension militaire de ce dialogue, dans une déclaration qu'il nous a faite en marge de ce dialogue, «l'ANP, de formation académique, strictement apte à mener les missions classiques de défense de son territoire, n'était pas du tout préparée à mener la lutte contre la subversion terroriste, ce qui explique la période de relatif flottement qui en a suivi avant que les choses ne rentrent progressivement dans l'ordre». Ici, les experts relèvent que «le passage du stade du dialogue à celui de la coopération s'est fait en moins de cinq années alors qu'il a nécessité quatre fois plus de temps concernant les Etats de l'Europe de l'Est». Chemin faisant, et le 11 septembre aidant, notre pays est devenu un partenaire incontournable, dont l'expérience en matière de lutte contre le terrorisme est loin d'être négligeable qui, moins de 24 heures après les attentats du Pentagone et des Twin Towers, invoquait le fameux article 5 de la charte de l'Otan, signé à Washington vers la fin de la Seconde Guerre mondiale. L'avis est largement partagé par les nombreux experts et militaires étrangers présents à cette journée d'étude. Le premier, venu abonder dans ce sens, est l'amiral Tafalla Balduz, commandant adjoint des forces navales sud de l'Otan. Selon lui, en effet, «chaque Etat qui coopère garde quand même sa pleine autonomie sur son territoire». L'Otan, en revanche, est contrait de revoir et sa composition et ses missions face aux nouvelles menaces auxquelles elle doit faire face. Il s'agit, énumère l'intervenant, «du terrorisme, du crime organisé, du contrôle des armes en transit». En Méditerranée, pas moins de 110 vaisseaux contrôlent les quatre points de passage névralgiques de la Méditerranée, effectuant même des opérations de fouille à bord des embarcations suspectes. Sur le plan du renseignement, une rencontre a déjà eu lieu en novembre 2002. Une seconde, apprend-on, devra se faire au mois de mai de l'année prochaine. Toutefois, martèle M.Hanèche, il n'est pas question d'adhésion. Le statut de «partenaire de premier plan» de l'Algérie, venu apporter un souffle nouveau à une organisation désorientée face aux coups de boutoir d'Al Qaîda, semble satisfaire tout le monde. Mieux, une fois réglées les questions politiques, notamment celles liées aux «anciennes appréhensions», les aspects techniques et militaires suivront très vite, a tenu à souligner le colonel Patrick Hardouin, secrétaire général adjoint de l'Alliance atlantique. Le colonel Shulte Berge, attaché militaire à l'ambassade d'Allemagne, chargé des relations entre l'Otan et l'Algérie pour une durée de deux ans, avant de céder la place à l'Italie, a pour sa part rejoint parfaitement les thèses algériennes, fustigeant en filigrane les «croisades» américaines, pourtant membres influents de l'Otan. Cet homme, très respecté par l'ANP, à qui il a été remis un bibelot représentant le symbole de notre armée, a en effet déclaré que «l'aspect militaire de la lutte antiterroriste ne suffit pas en lui-même, puisque le traitement des causes doit absolument suivre dans un second temps». C'est là la thèse que l'Algérie n'a eu de cesse de développer auprès de toutes les institutions internationales concernées par la lutte antiterroriste, à commencer par l'ONU, où même la définition de ce fléau continue de poser problème. Patrick Hardoin, éminent économiste, qui occupe le poste de conseiller politique et sécuritaire à l'Otan, a pour sa part été le plus loquace pour mettre en exergue le rôle prometteur que devra jouer l'Algérie à l'avenir, mais aussi son passage rapide et opérationnel au rang de partenaire. La rencontre d'Alger, qui a réuni d'importants experts, militaires et ambassadeurs, est bien la preuve que le monde compte énormément sur l'Algérie pour mener à bien sa lutte antiterroriste, mais aussi pour éradiquer les autres problèmes sécuritaires qui continuent de toucher la rive sud de la Méditerranée.