L'Irak s'enfonce un peu plus dans un bain de sang récurrent qui met à mal le crédit des prochaines élections. Deux voitures piégées ont explosé hier à Kerbala et à Najaf, au centre de l'Irak, en plein pays chiite, faisant une quarantaine de morts et plusieurs blessés. A Kerbala, dix morts ont été recensés alors que le nombre de blessés s'élevait à une quarantaine, après l'explosion d'une voiture piégée dans la station de bus de la ville et au moment où il y avait une grande affluence de voyageurs. A Najaf, ancien fief de Moqtada Sadr, une autre voiture piégée a explosé en milieu de matinée. L'officier de police qui s'est déplacé sur les lieux a indiqué qu'il y avait beaucoup de victimes. De fait, selon les premières indications fournies par l'hôpital Hakim de la ville sainte chiite, 48 personnes ont été tuées et 90 autres blessées dans l'attentat à la voiture piégée. Selon les premières indications de la police, cet attentat a été commis près du mausolée de l'imam Ali, l'un des lieux saints les plus vénérés par les chiites dans le monde et où un attentat, le 29 août 2003, avait coûté la vie à 83 personnes, dont Mohamed Baker Al-Hakim, chef du Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (Csrii), la principale formation chiite en Irak. De fait, le cinq derniers jours ont été particulièrement sanglants en Irak où au moins une soixantaine d'Irakiens ont été tués depuis mercredi. Ainsi en et-il des tueries de Mossoul où trois ou quatre chauffeurs turcs ont été tués mercredi, et de Kerbala où dix personnes ont trouvé la mort vendredi dans l'attentat qui a visé cheikh Abdel Mehdi Al-Kerbalaï, le représentant et porte-parole du grand ayatollah, Ali Sistani. Le regain de violence s'est ainsi généralisé à toutes les régions du pays, replongeant l'Irak dans un bain de sang qui rend à tout le moins aléatoire le crédit des élections du 30 janvier que Washington et le gouvernement intérimaire de Iyad Allaoui veulent organiser coûte que coûte. Ainsi, une macabre course contre la montre est engagée en Irak entre la guérilla irakienne et les forces (américaines et le groupe de Iyad Allaoui) qui veulent faire main basse sur l'Irak. Encore une fois, ce sera à la population irakienne de faire les frais d'un bras de fer dont il est mal aisé, dans l'état actuel des choses, d'en déterminer l'impact sur l'avenir immédiat du pays. Lors de cette même journée d'hier, il y a eu l'assassinat, à Bagdad, de trois employés de la commission électorale, laquelle travaille à la préparation des élections, mettant directement sous les projecteurs de l'actualité le prochain scrutin qui, le moins qui puisse en être dit, est qu'il s'est très mal engagé. Toujours dans la capitale irakienne, dix employés irakiens sous contrat avec une société de sécurité américaine ont été enlevés, leurs ravisseurs menaçant de les exécuter, selon des images diffusées par la chaîne satellitaire Al-Jazeera. Aucune indication n'a été donnée sur les otages ou la date de leur rapt, sauf que la vidéo les montre les yeux bandés, -l'un des dix étant blessé. Les ravisseurs, scindés en trois groupes différents, semble-t-il, menacent de les tuer «si la société de sécurité américaine pour laquelle ils travaillent n'arrête pas ses activités en Irak». C'est dans ce climat d'anarchie, vicié par les attaques et attentats qui mettent le pays au bord du chaos, que les hommes forts actuels du pays, décident, outre d'organiser un scrutin fortement hypothétique, de faire juger onze responsables de l'ancien régime. Un jugement au pas de charge plus spectaculaire que réellement soucieux de rendre justice au peuple irakien pour tout ce que l'ancien régime lui a fait subir. Des procès aussi importants, sinon cruciaux pour le crédit du futur pouvoir irakien, ne peuvent se tenir de la même façon qu'un procès ordinaire, au point que cela confine au règlement de compte. C'est tellement vrai que les avocats chargés de la défense des accusés ne peuvent ni voir leurs clients et encore moins assister au procès ou entrer en Irak Ainsi, l'avocat irakien qui a pu voir Saddam Hussein, jeudi dernier, s'est transporté hier au Koweït pour informer ses collègues du collectif de défense des accusés. Si c'est cette justice expéditive, -qui ignore, par ailleurs, les droits des accusés- qui est la marque du «nouvel» Irak, il faut alors croire que ce pays est loin d'être sorti de l'auberge.