L'Etat, dépassé par les événements, aurait décidé d'en finir avec les banques privées avant d'ouvrir les capitaux des plus importantes institutions publiques. Un coup de poker pour Ouyahia... Décidément, les scandales qui touchent les banques privées algériennes se suivent et se ressemblent. Le dernier en date, confirme-t-on, concerne la CA Bank. Une institution financière privée dont les capitaux, affirmait ostensiblement son P-DG, désormais sous les verrous, sont exclusivement familiaux. Une nouvelle fois, c'est la Banque d'Algérie qui se trouve derrière cette levée de boucliers. L'organisme régulateur reproche à cette banque privée, la seule qui vivotait encore, le non-respect du «dispositif réglementaire relatif à la monnaie et au crédit». Une accusation, somme toute classique, qui a déjà permis de «liquider» tous les organismes financiers privés à capitaux algériens. Le chant du cygne de cette ouverture, trop belle et trop rapide pour être vraie, avait commencé avec la chute brutale et incompréhensible de l'empire Khalifa, à commencer par sa banque, colonne vertébrale de l'ensemble de ses autres champs d'intervention. Après elle, l'Union Bank et la Bcia ont connu un sort plus ou moins similaire, avec des reproches très approchants les uns des autres. Difficile de dire où commence véritablement la responsabilité véritable de ces banques, pour déterminer celle des importateurs qui s'en servent pour opérer des «détournements maquillés» avant de s'évaporer dans la nature, mais aussi celle de la Banque d'Algérie qui ne surveille pas d'assez près ce genre de transactions et, enfin, le ministère du Commerce qui délivre des registres au tout-venant, et qui s'est même trouvé à son tour au coeur d'un immense scandale lié au trafic de faux registres du commerce portant le sceau de l'Etat. Si ce ne sont que les banques privées, et leurs patrons, qui payent les pots cassés, c'est que l'actuel gouvernement n'a jamais totalement caché son inimitié à leur encontre. Que l'on en juge. Ouyahia n'a-t-il pas pondu une circulaire intimant l'ordre à l'ensemble des entreprises publiques de ne traiter qu'avec les banques étatiques, remettant ainsi en cause le principe même de l'économie de marché et de la libre concurrence. Il s'en était expliqué devant les journalistes, avec ce même sens de la répartie qui le caractérise, en disant qu'il y a en Algérie assez d'entreprises privées dans le pays pour faire fonctionner les banques privées, du moins ce qu'il en reste. Notre «ambassadeur» financier et économique auprès des institutions financières internationales, Abdellatif Benachenhou, ne l'entend pas de cette oreille, qui serait derrière la levée de boucliers des banques publiques, sous l'égide de l'Abef, à travers un communiqué très critique dont notre journal avait fait état en exclusivité, il y a de cela plusieurs semaines. Ouyahia, pour sa part, aurait déjà une vision globale dans sa démarche portant réforme du système financier, sans laquelle il serait vain d'espérer «draguer» les grands capitaux étrangers. Toutes les banques publiques, appelées à réviser leur mode de fonctionnement de fond en comble, verraient également leurs capitaux ouverts à la participation privée. Les banques publiques, en dépit des lenteurs bureaucratiques qui continuent de les caractériser, jouissent désormais d'une très bonne santé financière, grâce aux différents plans de relance présidentiels, ayant généré une surliquidité de près de 200 milliards de dinars. Les banques publiques, qui brassent présentement 42 % du PIB (produit intérieur brut), représentent désormais 62 % de la masse monétaire nationale. Cela donne la pleine mesure du rôle incontournable que devront jouer ces institutions financières dans les réformes futures. Cette tendance, du reste, commence à se faire sentir. De fait, si ces importantes ressources proviennent également des opérateurs privés, pour une part de près de 25 %, les investissements non étatiques jouissent de plus en plus d'aides bancaires, comme c'est le cas dans toutes les économies de marché bien huilées à travers le monde. Ce fléchissement, toutefois, demeure insuffisant aux yeux de l'ensemble des experts consultés. Et ce n'est sans doute pas la disparition irrémédiable des banques privées qui pourra rétablir ce déséquilibre dommageable pour l'économie nationale.