Dans les cris de révolte des jeunes Tunisiens, il y a comme un air de déjà-vu La banlieue de Tunis a été le théâtre d'incidents dans la nuit du jeudi au vendredi, notamment le grand quartier populaire d'Ettadhamen, un fief islamiste. Retour à la case départ! Revoilà la révolte populaire qui, après Kasserine, s'étend comme une traînée de poudre vers d'autres régions ainsi qu'a la capitale Tunis. les scènes de désolation ressemblent à s'y méprendre à celles de décembre 2010 et janvier 2011. Dans les cris de révolte des jeunes Tunisiens, il y a comme un air de déjà-vu. En réaction, le gouvernement a imposé, à partir d'hier, un couvre-feu de 20h00 à 5h00 du matin sur tout le territoire. Déjà meurtrie par la crise aiguë qui touche le secteur vital du tourisme, la Tunisie tend à atteindre le fond du puits. Manifestations de chômeurs mêlés aux casses des gangs, routes coupées, heurts avec la police, occupations de gouvernorats, telle est la situation qui prévaut depuis quatre jours en Tunisie. Le détonateur a été la mort samedi dernier, à Kasserine, à une quarantaine de kilomètres de la frontière avec l'Algérie, d'un jeune de 28 ans comme Mohamed Bouazizi en fin 2010 mais, il faut le dire, n'était qu'un bouc émissaire. Une semaine après la mort du jeune chômeur, la grogne s'est étendue à d'autres régions ainsi qu'à la capitale. La banlieue de Tunis a, ainsi, été le théâtre d'incidents dans la nuit du jeudi au vendredi, notamment le grand quartier populaire d'Ettadhamen, un fief islamiste.Après avoir passé à peine 24h au Forum de Davos, le Premier ministre Habib Essid a écourté son séjour pour rentrer au pays en urgence. Il doit présider aujourd'hui un Conseil des ministres exceptionnel alors que le pays vit une crise sociale sans précédent depuis la «révolution» de décembre 2011. La présence de certains ministres tunisiens, comme celui de la Santé, au Forum de Davos, a été fortement critiquée lors d'un débat télévisé à la chaîne tunisienne Ettounsia. Un peu partout en Tunisie, des actes de pillage sont à déplorer et visent, comme hier à la Cité Ettadhamen, des grandes surfaces ou des dépôts municipaux. Des jeunes voyous ont bloqué dans la matinée d'hier, la route menant de l'immense grande surface Géant au quartier M'nihla. Les gangs avaient, évidemment, pour objectif de commettre des actes de vandalisme et de vol dans cette grande surface. Bien entendu, des pillards profitent simplement des mouvements sociaux pour, la nuit tombée, s'attaquer aux biens publics et privés en quête de butin. Pour donner une couleur protestataire à leurs actes, ces bandes organisées s'en prennent également à des symboles de l'Etat qu'ils brûlent sans vergogne. Des confrontations entre les forces de l'ordre et des «protestataires» se poursuivaient hier matin à Rue 105 et rue Ibn Khaldoun où des délinquants ont pillé, la veille, la succursale d'une banque, trois magasins d'électroménager et de produits alimentaires. Alors qu'à Kairouan, 10 délinquants ayant participé au pillage du dépôt de la douane à Kairouan, ont été arrêtés au moment où ils étaient en train de charger cinq camions, des marchandises saisies qu'ils avaient volées. Au Kef, des délinquants ont incendié le district de police de la ville, pillé et saccagé un centre commercial et fermé la route avec des pneus enflammés. Une source sécuritaire a précisé que le district de la police a été incendié à l'aide de cocktails Molotov, ce qui a poussé les forces de l'ordre à se retirer. Suite au retrait des forces de l'ordre, un centre commercial a été saccagé. Dans la même journée d'hier, l'armée tunisienne a intercepté un groupe terroriste qui descendait du mont Chaâmbi. Les unités de l'Armée nationale ont entamé, hier, une large campagne de ratissage sur les hauteurs de ce mont, suite à des informations faisant état de mouvements suspects. Alors qu'au niveau des frontières avec la Libye, elles ont riposté, mercredi dernier à des tirs en provenance d'un véhicule tout-terrain libyen, avec à son bord des hommes armés, au niveau de la zone militaire tampon, dans la région de Bir Magroun. Des sources confidentielles nous ont révélé que cette grogne sociale répond à un plan de tentative d'introduction en Tunisie de l'armement lourd. Cette thèse est plausible. Ces mouvements armés au mont Chaâmbi et les incidents armés aux frontières libyennes ne sont pas fortuits. Ce qui amène à penser qu'il y a manipulation marquée par la grogne sociale qui touche le pays ces derniers jours. Contacté à ce sujet précisément, Samir Bettaieb, chef du parti Al Massar, l'a subtilement masqué: «J'estime que les revendications des contestataires sont légitimes. Tout ce que je peux vous dire est que quelque part il se peut que des parties et des groupes manipulent. Malheureusement, il y a des gens qui sont au pouvoir et incitent la population à la violence à travers leurs pages Facebook.» Allusion, bien entendu, au parti CPR et Ennahdha. Pour M.Bettaieb, la communication des ministres est mauvaise et à chaque fois que l'un d'entre eux fait une déclaration, la grogne sociale reprend de plus belle. Pas si faux que ça! Dans une déclaration accordée à la presse, jeudi, le ministre des Finances, Slim Chaker, a reconnu qu'une erreur de communication a été commise la veille à l'issue du Conseil des ministres consacré au gouvernorat de Kasserine. La bévue du ministre était d'avoir annoncé que le gouvernement prévoit le recrutement de 5000 chômeurs au lieu d'annoncer que ce nombre allait bénéficier «des différents mécanismes d'emploi».