Je t'aime moi non plus Il y a dans le propos de Saâdani à l'encontre d'Ahmed Ouyahia, une volonté d'engager un bras de fer d'égal à égal avec l'autre homme fort de la majorité au pouvoir. En ouvrant le feu sur Ouyahia, la nouvelle bataille de Saâdani serait, en réalité, celle de l'homme politique qui voudrait se placer sur l'échiquier du pouvoir et agir sur le premier cercle pour en faire partie, pourquoi pas? En d'autres termes, le secrétaire général du FLN n'applique plus l'agenda du président, mais travaille désormais pour son propre compte, politiquement parlant, bien sûr. Saâdani a travaillé pour le compte de l'agenda présidentiel. Le concept de l'Etat civil, la question du DRS, la révision de la Constitution, la stabilisation du FLN, ont été portés par le secrétaire général du FLN et ont tous connu une suite sur le terrain, à travers des décisions présidentielles. L'homme a sans doute son propre style. Il ne laisse pas indifférent, il est arrivé à plusieurs reprises à susciter l'indignation de ses adversaires politiques et même de pas mal de personnalités de son bord politique. De hauts responsables de l'Etat lui trouvent un tempérament à la limite de la correction en politique, mais personne parmi les acteurs du premier et du second cercle du pouvoir n'ont eu des mots en public pour qualifier le style Saâdani. Sans doute parce que tous savaient que, dans le fond, il préparait le terrain à des mesures «sensibles» qui relèvent d'une stratégie présidentielle, destinée à terme à faire faire à la République un bond en avant. Dans la forme, le secrétaire général du FLN a peut-être pris certaines libertés et surtout créé le buzz sur nombre de sujets. Mais tout compte fait, ce qu'il a présenté, avec une certaine «brutalité» dans le langage, a connu un prolongement sur la scène politique nationale. Saâdani s'est fait beaucoup d'ennemis parmi le personnel politique et même sécuritaire. Mais ses ennemis ont perdu, au fil du temps, tout pouvoir de lui nuire de quelque façon que ce soit. Attaqué sur son flanc «parisien», son point faible pensait-on, il a su rebondir en raflant à chaque rendez-vous organique du FLN, le soutien et la sympathie des cadres centraux et locaux du parti. Comme si les «casseroles» qu'il traîne ne représentaient rien aux yeux des militants. Pourtant, le grand bruit qui est fait autour de ces acquisitions immobilière à Paris a fait le tour de la presse et du Web algérien. L'homme a vu sa vie privée disséquée et jetée en pâture à l'opinion publique. Sa tactique de défense a été l'attaque et encore l'attaque contre tous ceux qui «osaient» lui tenir tête. L'opposition en a pris pour son grade. Et sans complexe de la part du l'homme fort du FLN. Sa longévité «exceptionnelle» à la tête du vieux parti et surtout «l'éclatante victoire» remportée sur les caciques du FLN qu'il a réussi à éjecter des organes décisionnels, apportent à Amar Saâdani une sorte de nouvelle légitimité de «la stabilité retrouvée» et semble l'encourager à poursuivre dans la stratégie du «bulldozer» qu'il a adoptée à la première sortie tonitruante contre l'ex-premier responsable du DRS. Amar Saâdani a certes son propre «mode d'emploi», mais n'agit pas en solo. Il a, à ce jour, contribué à sa manière, à la mise en oeuvre d'une démarche décidée en haut lieu, y compris pour ce qui concerne la bataille du FLN. On pourrait supposer, alors que nous sommes à quelques jours de l'adoption de la nouvelle Constitution que la mission de Saâdani est arrivée à son terme. L'Etat civil qu'il a «brusquement» vendu à l'opinion nationale se matérialise sur le terrain. Mais alors qu'on ne l'attendait pas vraiment, l'homme ressort son style polémiste et s'en prend à un article du projet de révision de la Constitution. Dans ce nouveau registre, Saâdani devient franchement déroutant. On pourrait concevoir «un jeu de rôles», mais s'opposer frontalement à une mesure présidentielle et insister, malgré la correction en Conseil des ministres, relève de «l'effronterie» politique. A moins que Saâdani tente, cette fois, de fructifier son travail pour le compte de la stratégie présidentielle pour gagner en popularité, auprès de la communauté algérienne à l'étranger. Le patron du FLN sait pertinemment que le projet de révision de la Constitution passera de toute façon, avec l'article 51 dans sa forme actuelle. Sa «bataille», même perdue d'avance, est susceptible de lui attirer quelque sympathie. Cette seule raison n'explique pas l'attitude du secrétaire général du vieux parti, sachant son acharnement à vouloir en découdre avec Ahmed Ouyahia. En effet, il y a dans le propos de Saâdani à l'encontre du premier responsable du RND et néanmoins directeur de cabinet à la présidence de la République, une volonté d'engager un bras de fer d'égal à égal avec l'autre homme fort de la majorité au pouvoir. L'article 51 pourrait n'être, dans cette démarche, qu'un prétexte pour travailler sa nouvelle stature d'homme d'Etat, disons-le, indépendant dans ses choix personnels, contrairement à son adversaire de l'heure qu'il présente insidieusement comme le commis qui applique sans trop réfléchir.