La rentrée sociale s'annonce de plus en plus houleuse. Le spectre des grèves générales et des marches de protestation se profile à l'horizon. Revendications salariales, libertés syndicales, participation aux prises de décision, intégration des cadres... sont autant d'ingrédients à l'effervescence syndicale. Et l'absence de réaction de la part du gouvernement ne fait qu'augmenter le suspense et présage d'un automne particulièrement chaud. Ainsi, le syndicat national Sonatrach monte au créneau pour dénoncer la décision «unilatérale» portant limogeage du directeur des oeuvres sociales. Il brandit le droit de grève, après en avoir référé à l'Inspection du travail. Ce syndicat aurait usé de toutes les voies de solutions internes. Comme précisé au président-directeur général. Ce mouvement syndical, au niveau de la plus importante entreprise économique du pays (Sonatrach), intervient à la veille de la rentrée sociale caractérisée par l'adoption de la loi sur l'investissement et la privatisation. Et au moment où la Centrale syndicale émet toujours une réserve vis-à-vis du projet de loi sur les hydrocarbures. Selon les observateurs, la dernière rencontre pourvoir - Centrale syndicale aurait eu pour objet l'accélération du processus de privatisation; d'âpres négociations se poursuivent encore entre les deux parties. Afin d'assurer, entre autres, une rentrée sociale «sans vagues», cette dernière pourrait trouver son épilogue en novembre, ajoutent certaines sources. Quant au Snapap, qui a suscité outre la réaction du BIT (Bureau international du travail) et du leader FFS, M. Hocine Aït Ahmed, celle de la Cfdt française, il aura eu le mérite d'avoir réuni, après plus de quinze jours de grève de la faim, les syndicats autonomes. Ces derniers se réuniront demain pour la seconde fois, afin de définir la stratégie de la prochaine étape qui s'annonce. Ils se retrouvent devant une alternative: l'appel à une grève nationale de toutes les organisations syndicales indépendantes. Sinon, l'organisation de marches à travers tout le territoire national, à l'occasion de la prochaine rentrée sociale. Les syndicats autonomes, qui, dans une déclaration, condamnent l'«attitude irresponsable des autorités du pays à cause de leur silence injustifié et injustifiable», attachent une grande importance à l'action de grève du Snapap; car ils estiment que leur sort est tributaire du succès de cette dernière. C'est pourquoi ils comptent peser de tout leur poids pour concrétiser les revendications du Snapap, désormais devenues les leurs. De ce fait, la réunion de demain serait décisive car elle verrait l'arrivée de nouveaux syndicats qui prendraient part à l'élaboration de l'«initiative» prévue pour l'imminente rentrée sociale. Il s'agirait d'une grève nationale, selon le Satef. Pour l'heure, ces syndicalistes accordent un faible crédit aux initiatives des pouvoirs publics dont celle du ministère du Travail qui, bien qu'ayant dépêché deux émissaires au siège même du Snapap, ne laisse pas transparaître une réelle volonté de dialogue. Mais si le Snapap a bien créé l'«effet David» en suscitant la pitié autour de lui, il n'est, en fait, que la partie visible de l'iceberg: outre l'élan de solidarité créé autour de lui et explicitement exprimé par les travailleurs de la santé de la wilaya de Tiaret «qui ont suspendu leur grève en raison du plan Orsec», selon les dires de M. R. Maâlaoui, secrétaire général du Snapap. Et les travailleurs de l'éducation et de la formation professionnelle qui s'élèvent contre des lois scélérates en faveur du syndicat au pouvoir au détriment des droits légitimes des travailleurs. D'autres voix rebelles s'élèvent, comme celles, à Mostaganem, des travailleurs de l'Entreprise nationale des travaux publics déjà en grève, depuis le 19 juillet et bien décidés à persévérer dans leur action, eux qui exigent le départ du directeur général et du directeur administratif et l'ouverture d'une enquête qui dévoilera les pertes occasionnées à l'entreprise, à cause de la cession des différents projets par le DG au profit des «privés». Pertes à l'origine du blocage des salaires des travailleurs, pendant plus de trois mois. Leur situation dramatique perdure même après l'intervention des responsables du holding. Que dire des 250 travailleurs de l'entreprise de briques silico-calciques, réduits au chômage, après la fermeture de leur entreprise de Bou Saâda, pourtant, récente (1995) et dont le syndicat réclame, la révocation de la décision de fermeture. A Béjaïa, ce sont les travailleurs de l'Entreprise des corps gras qui amorcent la grève et menacent même d'une grève illimitée, faute de hausse de salaires, de régulation des allocutions et d'indemnités. Quant au syndicat des fonctionnaires retraités des P & T, il compte réunir son conseil syndical, en octobre prochain, ainsi que les syndicats des retraités de toute la Fonction publique, seront à l'étude: la récupération de la dette due par l'Etat à la CNR, qui s'élèverait à 47 milliards, et la réduction du mode actuel de calcul de la pension. D'ici à là, toute supputation est permise. Rétrospectivement, les soubresauts du malaise social se faisaient déjà sentir cet été même: la grève a été frôlée, dans le secteur du transport ferroviaire et celui de la distribution du fuel, pour le motif des conditions socioprofessionnelles. Finalement, le brasier social est plus que jamais incandescent. Il risque de faire mal. Seul le dialogue social sans exclusive permettra d'éviter les morsures de ses braises, à un moment crucial de l'année, la rentrée sociale.