Le ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères, M.Abdelaziz Belkhadem dans cet entretien qu'il nous a accordé, est revenu sur l'Union maghrébine ainsi que les perturbations qui l'ont émaillée. «C'est l'un des piliers, estime-t-il, dans l'édification de l'Union du Monde arabe.» «Le Grand Maghreb, reconnaît-il, requiert la patience des graines avant d'être effectif vu que les conflits n'ont eu de cesse d'entraver sa mise en branle.» Cependant il reste optimiste car c'est un projet qui a toutes les raisons d'être. L'Expression : L'Algérie va bientôt abriter le sommet arabe alors que celui des Etats maghrébins est encore dans les limbes. Pourquoi ce dernier piétine-t-il. Est-ce par rapport au conflit du Sahara occidental? A. Belkhadem:Le Grand Maghreb uni est l'espoir de plusieurs générations, de la mienne comme celui des générations précédentes. Les responsables des principaux partis politiques de l'époque ont tenu une réunion à Tanger. Ils avaient décidé d'oeuvrer à la réalisation de cet édifice maghrébin. Bien avant, il y a eu, bien sûr, l'Etoile nord-africaine qui caressait le même projet déjà. Cet espoir ne peut donc disparaître par le fait de difficultés conjoncturelles. La construction de cet édifice nécessite beaucoup de patience et surtout beaucoup de persévérance. C'est ce que fait l'Algérie. On ne peut pas non plus occulter le conflit du Sahara? Le conflit du Sahara a existé bien avant le traité de Marrakech qui a été cogité à Zéralda d'abord en 1988 et 1989. Le problème du Sahara date de bien avant. Ce qui fait que lorsque les chefs d'Etat ont décidé de créer l'Union du Maghreb et de signer le traité de Marrakech, le problème était sur la table et personne n'en a fait une conditionnalité. Mais le Maroc en fait cette conditionnalité? Oui effectivement depuis 1994, mais depuis l'an 2000 quand l'Algérie a repris l'activité intermaghrébine pour réunir les maghrébins, le Maroc est revenu à l'UMA et depuis il participe à toutes les réunions y afférentes. En dépit de cela, le Maroc ne conçoit pas la résolution du problème dans le cadre du plan Baker? C'est la vision du Maroc et non la nôtre. Nous avons exprimé très clairement à nos frères marocains, aux Américains, à l'ONU, que le problème du Sahara demeurait un problème de décolonisation et qu'il n'était pas question de déplacer le débat hors de la légitimité internationale, parce que la charte des Nations unies consacre le droit des peuples à l'autodétermination. M.Baker a été désigné par l'ONU, il a pu réunir, sous sa houlette au cours des négociations directes, les représentants du Front Polisario et du royaume du Maroc. Le résultat de ces négociations a donné ce qui fut plus tard le plan de règlement des Nations unies qui consacre le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. Ce conflit qui perdure n'empoisonne-t-il pas les relations avec nos voisins marocains, car à chaque tentative de normalisation, le fossé se creuse de plus belle et compromet la construction de l'UMA? Du point de vue algérien, il n'y a pas de raison pour que la construction de l'UMA soit compromise par un quelconque problème. La levée du visa imposé aux Algériens par les autorités marocaines, n'était pas à votre avis une main tendue à cette normalisation? Vous connaissez la genèse de l'histoire. Le Maroc a décidé d'instaurer des visas unilatéralement, suite aux événements de Marrakech dont il a fait très malencontreusement porter la responsabilité à l'Algérie, alors que nous vivions une période très difficile. Par la suite, quand ils se sont aperçus que leurs accusations étaient fausses et tendancieuses, ils ont continué à maintenir le visa et puis, soudainement, à l'occasion du discours du trône, c'est le roi lui-même qui décide de la levée unilatérale du visa instauré unilatéralement. Ne pensez-vous pas que c'est un rapprochement que veut le Maroc? Mais nous le voulons aussi ce rapprochement. Nous sommes en train d'oeuvrer dans le sens de raffermir nos relations avec le Maroc le jour où les deux commissions termineront leur travail et proposeront des solutions aux problèmes pendants, alors là, nous verrons de près la question des visas, celle des frontières et tout le reste. S'il y a arbitrage à faire, nous nous référerons aux deux chefs d'Etat. Les conflits minent les Etats entre eux. Le récent épisode Kadhafi est édifiant. Il a réagi à l'accusation de la Mauritanie d'avoir contribué à une tentative de coup d'Etat. La Libye s'est déclarée innocente. Le leader libyen en tant que président en exercice de l'UMA a demandé à ce qu'une commission d'enquête composée des ministres des Affaires étrangères de la Tunisie et du Maroc aille à Nouakchott pour enquêter et donner son avis sur l'implication ou pas de la Libye. Les pays ont jugé qu'il ne s'agissait pas de faire une enquête et qu'il fallait faire une médiation de bons offices. Kadhafi n'a pas apprécié. Il a décidé de se retirer. Ses homologues lui ont demandé de conserver son mandat de président de l'UMA jusqu'à la fin de l'année. Nous avons été dépêchés à Tripoli et il est revenu sur sa décision. C'est un paramètre qui n'affecte en rien le processus. L'UMA sera un projet réel. Nous sommes optimistes.