Les CNS ont procédé à l'interpellation d'une vingtaine d'étudiants, avant de passer à tabac les étudiantes présentes sur les lieux. Rien ne va plus à l'université. Le malaise s'amplifie et atteint le point névralgique. La semaine dernière, cinq étudiants de l'université de Sidi bel Abbès ont tenté de se suicider. Au début de ce mois, les travailleurs des oeuvres universitaires de Béjaïa ont enclenché une grève de la faim. Avant-hier, une vingtaine d'étudiants de l'Institut des sciences de l'information et de la communication (Isic), ont été interpellés et conduits de force au commissariat de Bouzaréah. Deux autres étudiantes ont été hospitalisées, elles s'en sont sorties avec des fractures au niveau de l'épaule et du genou. Les faits remontent à la nuit de lundi dernier. Les étudiants de l'Itfc ont organisé, à l'intérieur de leur campus, un rassemblement pour protester, «pacifiquement», contre l'incarcération, à la prison d'El Harrach, de l'étudiant Hamitouche Merzouk. Entre-temps, un appel a été lancé au recteur de l'université d'Alger, M.Hadjar, «mais ce dernier a refusé de répondre à notre requête. Nous avons alors tenté, à deux reprises, d'envoyer une délégation pour le voir dans son siège, peine perdue. Les forces de l'ordre, présentes en force, les en ont empêchés en leur retirant leurs papiers.» Suite à quoi, le doyen de l'Institut, M.Ahmed Hamdi, fait appel aux CNS, leur signifiant l'ordre d'évacuer le campus. En arrivant sur les lieux «les forces de l'ordre ont, tout de suite, procédé à l'interpellation d'une vingtaine d'étudiants, dont deux filles, avant de passer à tabac les étudiantes présentes sur les lieux. Elles étaient pourchassées jusqu'à l'intérieur même de la cité universitaire-filles, Djilali Lyabès, semant ainsi une panique générale indescriptible. Cette poursuite barbare a occasionné des blessures sérieuses à deux étudiantes. Transportées sur-le-champ vers l'hôpital de Birtraria, à El Biar, elles s'en sont sorties avec des épaules et genoux fracturés», raconte un étudiant, membre du collectif autonome des étudiants de l'université d'Alger. Interpellé pour avoir sa version des faits, le doyen de l'Institut des sciences de l'information et de la communication, M.Ahmed Hamdi, a reconnu avoir signé une réquisition aux CNS, pour «rétablir l'ordre». M.Hamdi avance l'argument de la menace qui planait sur le campus. «Les étudiants présents au rassemblement étaient des étrangers, ils sont venus des autres instituts de l'université d'Alger. Et cela est strictement interdit dans de telles circonstances.» Un argument qui ne tient pas la route, cela en prenant en considération que tout étudiant muni de sa carte est autorisé à accéder dans pratiquement tous les campus universitaires. Sur cette remarque, le doyen s'est interdit à tout commentaire, en se contentant uniquement d'indiquer: «Nous avons une hiérarchie. Allez voir le directeur. Je n'ai rien d'autre à déclarer sur cette affaire.» Nous avons alors tenté de prendre attache avec le directeur, mais peine perdue. Les agents de sécurité nous ont refusé l'accès à l'enceinte universitaire. Le recteur de l'université d'Alger, M.Hadjar, que nous avons essayé de contacter, était porté aux abonnés absents. Hier encore, les étudiants de l'Isic étaient aux aguets, car les interpellations se sont poursuivies même la matinée. Un dispositif de sécurité impressionnant a été déployé sur les lieux. L'entrée à l'Institut était strictement interdite. En outre, au niveau des autres facultés d'Alger, notamment celle des sciences humaines et sociales de Bouzaréah, la mobilisation était générale. Une grève générale et illimitée a été enclenchée. La colère et l'amertume ont atteint leur paroxysme. «Nos camarades sont arrêtés arbitrairement et sans aucun chef d'inculpation. Nous exigeons leur libération ainsi que celle de Hamitouche Merzouk qui croupit à la prison d'El Harrach depuis le 14 décembre dernier. Où veut-on conduire l'université algérienne?» s'est demandé le président de l'association Nedjma, M.Omar Bourbaba. Par ailleurs, réagissant à cet effet, le Mouvement démocratique et social (MDS) a tenu à dénoncer ces pratiques arbitraires. «C'est encore par la répression que le pouvoir répond aux attentes de la communauté universitaire, dont certains membres sont maintenant réduits au suicide pour se faire entendre par les autorités qui refusent d'apporter des réponses constructives aux problèmes posés à l'université.» De son coté, le Front des forces socialistes (FFS) a initié, avec le collectif autonome des étudiants de l'université d'Alger, une pétition pour exiger «sans condition la libération de Merzouk Hamitouche et tous les militants des droits de l'homme.»