La vie des Syriens a-t-elle un prix? La question se pose face à l'incroyable troc que l'Union européenne (UE) s'apprête à conclure avec la Turquie. En fait, il s'agit ici d'un ignominieux marchandage auquel se livrent l'UE et la Turquie sur le dos des réfugiés syriens. L'UE veut expulser les migrants [qui stationnent depuis des semaines, dans le froid et la neige, aux frontières de l'Europe] tandis qu'Ankara réclame une compensation financière [en sus de la reprise des pourparlers sur une adhésion de la Turquie à l'UE] pour les rapatrier sur son territoire. Ils sont beaux les droits de l'homme vus de Bruxelles et d'Ankara! Or, le projet d'accord UE-Turquie sur les migrants et les réfugiés est en contradiction avec les droits de l'homme. De plus, comme le note le Haut commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, les expulsions préparées des réfugiés sont «illégales» et «violent le droit international et européen». Le pré-accord euro-turc outre de dévoiler le peu de cas que Bruxelles et Ankara font des droits de l'homme, montre aussi la fausseté de dirigeants européens qui, à longueur de déclarations dans les médias (presse, télévision et radio) vous parlent, les larmes aux yeux, des pauvres Syriens martyrisés par Damas et des droits humains malmenés et bafoués dans le monde - particulièrement arabe - par des tyrans quand eux-mêmes font pire sous le vernis de «civilisés». Près de leurs intérêts particuliers, sans état d'âme, les Etats européens - qui tous ont fermé (ou sur le point de le faire) leurs frontières aux migrants et réfugiés - ont gommé les principes fondamentaux de solidarité, de dignité humaine et d'entraide envers des personnes que le malheur a frappées et chassées de leurs pays. Au moment où l'UE négocie avec la Turquie un honteux accord, Ankara maltraitait la liberté d'expression allant jusqu'à réquisitionner le journal d'opposition Zaman, devenu de «but en blanc» un supporteur zélé du maître du pays, le ci-devant Recep Tayyp Erdogan. Cela ne s'invente pas! Les médias européens ne se sont pas fait faute de rapporter les nouvelles atteintes au droit d'expression par les autorités turques, celles-là même pour lesquelles Bruxelles avait déroulé le tapis rouge. Basta de ce jeu malsain des Européens alors qu'ils sont, pour nombre d'entre eux [singulièrement la France et la Grande-Bretagne], responsables de la descente aux enfers de la Syrie, après bien sûr la Libye! N'est-ce pas Paris qui, conjointement avec Ankara, a soutenu de toutes les manières la rébellion en Syrie? Selon des sources à Bruxelles, Ankara aurait exigé de 3 à 20 milliards d'euros pour «accueillir» les réfugiés syriens. Comment qualifier cette abjection, d'un pays [la Turquie] qui profite de la détresse de millions de personnes dont il est pour beaucoup dans leur tragédie? Les drames en Libye et en Syrie dont les Européens en portent très largement la responsabilité [le président états-unien, Barack Obama - qui se dédouane à peu de frais - se félicitait jeudi que son pays n'ait pas pris part aux bombardements de la Libye, critiquant vertement au passage le Premier ministre britannique, David Cameron, et l'ex-président français, Nicolas Sarkozy] témoignent combien les vertus humaines dont ils se réclament si volontiers ne sont que de surface et ne résistent pas à la réalité du terrain. En fait, la faillite morale des dirigeants européens est pleine et entière. Comment confier à l'autoritaire Erdogan, la sécurité des réfugiés syriens, dont de nombreux réfugiés politiques? Ils pensaient à quoi les dirigeants européens en concoctant avec la Turquie ce pré-accord sur le «retour» des réfugiés? Des journalistes turcs, du quotidien, Cumhuriyet risquent la perpétuité pour avoir publié une vidéo révélant les livraisons d'armes effectuées par le gouvernement d'Ankara en faveur des rebelles islamistes syriens. C'est Erdogan en personne qui exige la perpétuité pour le rédacteur en chef du journal. Et c'est avec cette Turquie que l'UE négocie un pacte bizarre dont la marchandise n'est autre que les réfugiés syriens. Et Ankara exige, pour ce faire, d'être payée, au prix fort. Vous avez dit odieux? Oui, les Syriens sont ainsi devenus une «marchandise» exploitable à souhait. Des esclaves dont les négriers ne sont autres que la Turquie et l'Union européenne. Et c'est cette UE qui a le culot de nous apostropher et de nous parler pompeusement de «démocratie» et de «droits de l'homme» qu'elle outrage cruellement? Ah, la belle Europe sans frontières, lesquelles se ferment à triple tour au premier accroc. Face à la vérité du terrain, l'Europe qui se veut une et pour tous s'est désarticulée et le «chacun pour soi» est revenu au galop. Ainsi, pour quelques migrants et réfugiés, l'Europe a oublié ses principes, s'appuyant sur un pays liberticide pour leur faire un sort. Belle leçon d'intolérance que donnent au monde le héraut de la démocratie.