On l'attendait en liesse, la rue kabyle s'est montrée très calme hier. L'annonce de la conclusion d'un accord global sur la mise en oeuvre de la plate-forme d'El Kseur n'a pas fait grand bruit. L' effet de surprise, ajouté à l'indifférence dans laquelle est plongée l'opinion depuis quelques mois, explique cet état d'esprit dont le moins qu'on puisse dire, est surprenant. L'accueil réservé à cet événement n'est manifestement pas à la hauteur de l'acquis en lui-même si l'on considère les souffrances et privations endurées pendant trois ans. Préoccupés par les tracas du quotidien devenu pesant ces derniers temps, les citoyens n'ont franchement pas fait montre d'un enthousiasme quelconque. Ils n'étaient pas plus nombreux à saluer l'accord qu'à le rejeter. C'est l'indifférence née d'une méfiance de tout ce qui vient du pouvoir, surtout lorsque cela s'est fait dans la facilité. Une situation en somme paradoxale lorsqu'on sait l'attente suscitée à l'annonce de l'amorce de dialogue. Mais cela n'a pas empêché de relever par-ci et par-là des commentaires positifs. «C'est une bonne chose», «c'est un accord historique», ce sont là les mots qui reviennent dans les propos des citoyens avertis ceux-là qui suivent de près l'actualité. Ce sont ceux-là mêmes qui ont donné leur quitus au dialogue qui applaudissent à présent avec une note de méfiance. Si la rue s'est montrée plus ou moins indifférente, loin des scènes de joie et de liesse c'est qu'on est loin de la popularité du mouvement citoyen. Les dissensions et autres tergiversations ont donné lieu à une désaffection qui explique largement le manque d'enthousiasme. Il y a aussi ceux qui, moins nombreux à porter «de la poudre aux yeux». S'appuyant sur la «rapidité de la conclusion de l'accord» survenant à l'issue d'«un dialogue controversé», cette autre tendance qui se dégage au sein de l'opinion à Béjaïa, s'est montrée sceptique. Le manque d'éclairage sur l'accord en question a aussi sa part de responsabilité dans cet accueil mitigée mais les explications qui seront données par la suite, contribueront à coup sûr à une compréhension plus positive. Mais la frange de la société à saluer cet accord reste incontestablement les parents des martyrs et des blessés qui retrouvent l'espoir d'arracher enfin une réparation morale et matérielle. L'attente était présente chez ces citoyens fortement touchés par la crise. D'autres citoyens endettés auprès de la Sonelgaz, les commerçants auprès du fisc sont aussi enthousiasmés. Si l'on s'attache à présent aux considérations personnelles, uniquement pour expliquer et commenter l'accord, c'est parce que les véritables retombées ne sont pas encore perçues convenablement, à l'image du plan de développement de la région ainsi que de la connaissance officielle de la langue amazighe. Ce qui laisse croire à une évolution positive des impressions dans les prochains jours. Pour l'heure, les commentaires les plus optimistes relèvent les vertus du dialogue et le retour de la stabilité qu'il induira forcément. La rue n'a certes pas fait dans la joie, mais l'espoir y reste présent. Et c'est tant mieux pour une région qui a toujours été à l'avant-garde de tous les combats.