Depuis quelques décennies, le sport scolaire se meurt dans l'indifférence la plus totale Les bons résultats de l'Algérie sportive des années 1970 et début 1980 ont coïncidé - est-ce un hasard? - avec la bonne santé du sport scolaire. Deux bonnes nouvelles pour les partisans de la revalorisation de l'EPS, cette discipline diabolisée par certains esprits tordus. En effet, en ce mois d'avril 2016, l'Algérie a enregistré la belle victoire de nos athlètes au Championnat arabe des sports scolaires. Toutefois, il y a un bémol à la clé: cet éclatant succès n'est que le palmier qui cache... un désert où risquent de brûler les dernières calories du sport scolaire algérien. Deuxième information. En écho à ce risque dangereux de «désertification» totale, le ministère de l'Education nationale décide d'utiliser les gros moyens. Nous apprenons que cette institution s'apprête à proposer un texte réglementaire instituant l'obligation de la pratique sportive. Nul ne pourra nier le rôle important que jouera l'institution scolaire (et universitaire) dans la promotion et la dynamisation du mouvement national sportif. Les bons résultats de l'Algérie sportive des années 1970 et début 1980 ont coïncidé - est-ce un hasard? - avec la bonne santé du sport scolaire. C'était le temps de la Fassu, des lundis sportifs programmés dans les emplois du temps des élèves et encadrés par des enseignants d'EPS motivés à souhait. Et à l'époque, l'argent ne coulait pas à flots! Depuis quelques décennies, le sport scolaire se meurt dans l'indifférence la plus totale. Tous les dispositifs réglementaires (lois, arrêtés, circulaires...) visant à promouvoir - en théorie - l'éducation physique et sportive sont restés sans écho. Aux sources du mal Dans un passé récent nous avons même vu un ministre des Sports emporté par la colère suite au constat d'un sport scolaire moribond. Aux sources du mal, il n'y a pas que la mauvaise volonté. Les mentalités réfractaires au progrès social minent le terrain. N'a-t-on pas vu des chefs d'établissement accéder avec zèle au refus de certains parents d'autoriser leurs filles à suivre les cours d'EPS? Les certificats de dispense de complaisance établis par des médecins véreux, la complicité des administrations des établissements scolaires, le déficit en encadrement - même s'il est formé annuellement par des instituts spécialisés - sont autant d'éléments qui viennent aggraver la situation d'une discipline déjà malmenée statutairement. En effet, l'EPS est dévalorisée au sein de l'institution scolaire, elle est inexistante dans les écoles primaires et les universités. L'Algérie a emboîté le pas à la France napoléonienne en matière de pratique de l'EPS. L'horaire n'a pas bougé depuis l'école coloniale, de même que le coefficient (deux heures par semaine et une unité pour le coefficient). Cette discipline est «démonétisée» aux yeux des élèves. Ils n'ont pas le temps de savourer les plaisirs qu'elle peut leur procurer - coincés entre la sortie du semblant de vestiaires et le quart d'heure pour se rhabiller. Ils ne sont pas motivés par les maigres dividendes qui tombent dans l'escarcelle de la moyenne d'admission. Notre élève calcule en fonction d'une stratégie d'épicier. Peut-on lui en vouloir quand on sait qu'elle (sa stratégie) répond aux normes scolaires telles que dictées officiellement? Seules les disciplines essentielles - celles qui pèsent lourd dans la moyenne annuelle - sont dignes d'intérêt. Les autres, et pas seulement l'EPS - on pourra citer l'éducation artistique -, sont habillées d'un qualificatif humiliant: elles sont labellisées «matières secondaires». Avec une telle logique, la réintroduction du brevet et du bac sportifs relève du pur formalisme. Le ridicule ne tue pas quand on entend les professions de foi des officiels: des paroles en l'air alors qu'ils déboursent de l'argent sans compter au profit des clubs de football. Faute d'une prise en charge précoce (dès le primaire) et d'une action volontariste de l'Etat, les bourgeons de champions ne connaîtront pas d'éclosion. Comment ne pas évoquer l'absence de sport au cycle primaire, à un âge où la croissance et le développement de l'enfant en ont le plus besoin? Pour les spécialistes, l'éducation de la motricité dans sa forme ludique constitue l'essentiel de la pédagogie du préscolaire et du primaire. Elle prépare l'enfant à entrer sans difficulté dans le monde complexe de l'initiation à l'écriture et à la lecture (structuration de l'espace et du temps, schéma corporel). Au primaire, toujours dans une ambiance de détente, les exercices de sport viennent approfondir et conforter les aptitudes développées au préscolaire, d'autres seront visées par une pédagogie spécifique. A cet âge, les organes sont en pleine croissance. Une croissance qui a besoin d'être accompagnée afin qu'elle puisse atteindre sa plénitude. L'EPS vise à stimuler et à nourrir l'équilibre des fonctions organiques telles que la respiration, la circulation sanguine et les articulations. Un enfant privé d'éducation physique et sportive - à ne pas confondre avec les jeux en mouvement sous les préaux et dans la cour - avant l'âge de 11 à 12 ans traînera des handicaps qui ne manqueront pas d'influer sur son rendement intellectuel. Un professeur de sport, athlète de haut niveau, a affirmé que les enfants d'Algérie - surtout les citadins - souffrent d'un déficit en motricité. Il n'y a qu'à voir les silhouettes de nos athlètes et joueurs de sports collectifs comparés à leurs homologues étrangers. Et nos jeunes filles comparées à leurs grands-mères des montagnes? Ces dernières étaient plus élancées, plus vigoureuses et ne connaissaient pas l'obésité. L'EPS en milieu scolaire - dès le primaire - nécessite une mobilisation des moyens de l'Etat. Il s'agit là d'une question de santé publique de première urgence. «Un esprit sain dans un corps sain», voici une belle devise à inscrire sur les frontons de toutes les écoles d'Algérie. C'est de la sorte que reculeront les maladies, progresseront les performances de nos athlètes et s'épanouiront les valeurs morales véhiculées par l'olympisme. Que faire? Espérons que la volonté affichée par le ministère de l'Education nationale par le biais de ce projet de décret portant obligation de la pratique sportive finira par porter ses fruits et secouer le cocotier des mentalités rétrogrades. Eh oui, ce sont ces mentalités - à tous les niveaux de la hiérarchie (parents et responsables scolaires) - qui ont bloqué le renouveau du sport scolaire. Mais ce texte sera-t-il suffisant? Pas si sûr! Et ce, même si son existence formelle est déjà une avancée. Le sport scolaire ne connaîtra son âge d'or que lorsque le statut scolaire de l'EPS aura intégré la place qui lui revient au vu de son impact considérable sur le développement global de nos enfants - écoliers compris. Sur le volet pédagogique, tout comme l'éducation artistique, les dons et prédispositions naturelles en sport varient d'un enfant à un autre. Celui -ci est plus adroit au saut en hauteur, celui-là en course de demi-fond, cet autre est bon en dessin/peinture qu'il affectionne, mais n'a aucune prédisposition en musique. A partir de cette hétérogénéité, il est difficile de planifier une évaluation uniforme du genre de celle dispensée en mathématiques ou en langues. Vouloir à tout prix intégrer l'EPS et l'éducation artistique dans le moule de l'évaluation (contrôle)-sanction ne sert pas la cause de ces deux disciplines. De plus, nous savons qu'elles sont actionnées par la sphère psychoaffective et procurent à ses adeptes du plaisir. Or le plaisir ne s'évalue pas, il s'alimente! N'est-ce pas cette manie de notre système scolaire à tout évaluer(contrôler) pour sanctionner qui fait se détourner nos enfants de ces deux disciplines? La prolifération des certificats de dispense en est la preuve. Les épreuves de brevet et de bac sportifs non seulement alourdissent l'année scolaire en temps et en énergie dépensés à perte, mais réduisent sa crédibilité et sa portée éducative (de l'EPS) aux yeux des élèves. En plus d'une mise à plat de son évaluation, l'EPS a besoin de voir augmenter le nombre de séances qui lui est consacré dans l'emploi du temps des élèves, à commencer par ceux du primaire. C'est à ce prix, que cette discipline majeure pourra jouer son rôle dans le développement global de l'enfant-adolescent. N'est-ce pas que le sport est, par excellence, une école à lui seul? La pratique du sport actionne la solidarité entre le développement de l'intelligence, la formation de la conscience morale et le développement du corps. Jean-Jacques Rousseau disait: «Plus le corps est faible, plus il commande, plus il est fort, plus il obéit.» Il y a lieu de souligner les dangers que présentent certaines moeurs sociales sur la pratique sportive. Prenons le cas de la culture à base intellectualiste, sacralisée par l'école napoléonienne et que l'Algérie continue à adorer dans ses mauvais côtés. Elle postule le rejet ou la minorisation de la pratique sportive au profit des études dites intellectuelles. Inactifs physiquement, les élèves soumis à ce régime pédagogique (les nôtres en particulier) deviennent sédentaires, leur attention sollicitée à l'excès, et courent le risque d'un surmenage. Dans ce trop-plein d'effort intellectuel ainsi déployé, l'élève atteint vite les limites de ses forces. Pour se défendre contre cette fatigue envahissante, il fait appel (inconsciemment) à l'inattention, l'indolence et la dissipation. Quant à l'éducation morale et/ou religieuse, elle peut servir ou desservir la cause de l'EPS et ce, selon sa vision et sa conception du corps: soit, elle méprise le corps, soit, elle le respecte. Longtemps, détentrice du pouvoir sur l'éducation des enfants-adolescents européens, l'Eglise a fait du refus de l'EPS et de l'éducation artistique un axe central de sa pédagogie. Pour les religieux, le diable habite le corps, il faut donc cacher ce dernier pour l'éloigner. En 2016, cet état d'esprit revient en force dans certains pays.....