Le volume des échanges de l'Algérie avec Paris et Washington tourne autour de 10 milliards de dollars annuellement. Le tourisme, les manufactures, le transport, l'agroalimentaire et le BTP pour l'investissement français, la coopération militaire, le marché de l'armement et des hydrocarbures pour les Américains. La guerre d'influence franco-américaine en Algérie semble faire sa propre décantation et délimiter ainsi les champs d'action des uns et des autres. Avec une centaine d'entreprises installées en Algérie et qui font travailler quelque 6000 personnes, les entrepreneurs français semblent dominer le marché algérien traditionnellement aussi proche qu'ouvert pour l'Hexagone, mais le volume des investissements reste assez hésitant. Les Américains privilégient les gros moyens pour s'imposer en Algérie. La recherche et l'exploitation des champs pétrolifères, la «télésurveillance globale» dans les pays du Sahel et la coopération militaire dans le but de neutraliser les «groupes hostiles» constituent de très gros investissements. Pour le moment, les Etats-Unis ne semblent pas sûrs que la situation interne en Algérie soit maîtrisée à 100 % comme l'indique le dernier «bulletin de voyage» édité par le département d'Etat et concernant les risques encourus pour les ressortissants américains en zone saharienne, et ne visent que les points stratégiques : pétrole, armement, coopération technique. Les quelques rares multinationales qui ont investi le marché algérien, comme Coca- Cola, IBM, Microsoft et Xerox préfèrent gérer de loin et laisser des responsables locaux mener la politique la mieux appropriée à un marché encore non maîtrisé. Très influents au sein de l'Otan, les Etats-Unis donnent le coup de pouce nécessaire pour amarrer l'Algérie aux flottilles méditerranéennes des forces multinationales et l'impliquer, «plus tard», assure-t-on, dans des missions régionales humanitaires ou de maintien de la paix. Parallèlement à son action en Algérie, les Etats-Unis font aussi du forcing économique en Tunisie et surtout au Maroc. Le projet Eirenstat, élaboré dans le but de pénétrer un marché maghrébin démocratisé et dépourvu de barrières douanières, stipulait déjà, en 1999 qu'«il ne doit pas s'agir d'un arrangement au centre duquel se trouveraient les Etats-Unis avec trois relations bilatérales économiques séparées, quelle qu'en soit l'importance, mais d'un partenariat dynamique multilatéral basé sur un renforcement des liens économiques au Maghreb». Les patrons d'entreprises français, arrivés au Medef International, restent plus terre à terre et préfèrent agir au cas par cas. Agroalimentaire, bâtiment, tourisme, banque, hôtellerie, petites manufactures et ingénierie, tous les domaines des petits investissements sont dans leurs cordes et alimentent leurs intérêts. C'est la politique des petits ruisseaux qui font les grandes rivières et de petits pas dans la grande manoeuvre, et parfois, c'est efficace dans un contexte politique qui voit encore d'un mauvais oeil les entreprises géantes qui écrasent tout sur leur passage. Le marché algérien post-terrorisme regorge d'opportunités, mais la lutte d'influence dépasse de loin le fait économique. L'Algérie reste à ce jour très ouverte à la France et les affinités humaines, culturelles et historiques ont grandement contribué au mythe de la «chasse gardée», formule prosaïque s'il en est, et qui reflète l'hégémonie que la France a toujours voulu garder sur l'Algérie.