Les électeurs du nord de l'Angleterre et du pays de Galles ont forcé la décision Désormais, pour les donneurs de leçons, il y a un avant et un après-Brexit. La décision des Britanniques de claquer la porte de l'Union européenne a provoqué un véritable séisme international. En votant pour le Brexit à 51,9%, contre toute attente puisque la veille les sondages prédisaient, tard le soir, unanimement le maintien dans l'UE, les électeurs du nord de l'Angleterre et du pays de Galles ont forcé la décision malgré la résistance de l'Irlande du Nord et de l'Ecosse. In fine, le taux important de participation, 72,2%, aura donc bénéficié aux partisans de la rupture. Le fait est sans précédent dans les annales de Bruxelles, et il aura également déclenché un vent de panique dans toutes les places boursières, notamment Frankfort et Paris où les marchés ont accusé le choc avec un plongeon de 10% des valeurs bancaires. La Grande-Bretagne est entrée depuis hier dans une ère d'incertitudes, avec de multiples questions sur la suite des évènements. Déjà, on sait que le Premier ministre conservateur donnera sa démission en octobre prochain. Le nouveau leader du parti tory devra lancer la négociation avec Bruxelles sur le processus de sortie du club des 28, désormais réduits à 27. Cameron avait pris le risque de ce référendum en cas de victoire aux législatives, mais il avait sous-estimé les griefs des Britanniques contre la Commission européenne, d'une part, et le self-made show germanique, d'autre part. Planant économiquement sur le Vieux Continent, l'Allemagne de la chancelière conservatrice Angela Merkel a imposé un rythme et une méthode de gestion décriés par bon nombre des peuples membres de l'UE. La goutte d'eau qui a fait déborder le vase aura été sans conteste la question des migrants, d'abord vivement encouragés par Merkel, et c'est l'argument souvent brandi par les électeurs britanniques, inquiets de la menace sur l'emploi, la santé et l'éducation que ces vagues représentent. Bien sûr, une menace exploitée avec frénésie et sans état d'âme par les partis populistes qui ont bénéficié d'un vent favorable dans les élections au Danemark, aux Pays-Bas, en Autriche et ailleurs. D'ailleurs, ces partis d'extrême droite ont été les premiers à manifester bruyamment leur joie, Marine Le Pen en France parlant d' «une victoire de la liberté», Geert Wilders et le parti de la liberté, aux Pays-Bas, réclamant un «Nexit» ou encore Matteo Salvini, chef du parti autonomiste et anti-immigrés de la Ligue du Nord en Italie, qui clame «maintenant, c'est notre tour». De grandes questions se posent et s'imposent avec fracas à l'UE. -comment éviter la contagion? -comment gérer au plus vite l'impact du Brexit sur les places financières et, d'abord et surtout, organiser la relation avec la City? La Bourse de Londres a, en effet, vécu une vraie panique au bout de la nuit. - comment anticiper les attentes des peuples. inquiets pour leurs emplois et leur système de protection sociale. en révisant sans délai la mécanique de l'UE telle qu'elle perdure au sein de la Commission de Bruxelles? Car là est le vrai dilemme et la raison de la colère: toute la problématique de l'UE tourne autour de la question de la gouvernance démocratique, réclamée par plusieurs pays qui menacent d'emboîter le pas au Royaume-Uni. Depuis plusieurs années, on le sait, Bruxelles décide de tout et impose des mesures que les gouvernements membres n'ont pas d'autre choix que d'appliquer, quitte à se disqualifier aux yeux de leur électorat. On ne le voit que trop en France où, depuis trois mois, un bras de fer oppose les syndicats et le gouvernement autour de la loi «travail» que le président Hollande et le Premier ministre Valls maintiennent, contre vents et marées. Là, un recours répété au 49-3 achèvera de précipiter le pays dans l'escarcelle du Front national et de renforcer le camp des apprentis «Frexit»! Ce ne sera sûrement pas la primaire socialiste orchestrée par Cambadélis qui va y changer quoi que ce soit. Et à onze mois de l'élection présidentielle, le danger est réel. Certes, la France n'est pas la Grande-Bretagne. Celle-ci, entrée dans la CEE en 1973, est la 55ème puissance économique mondiale et sa sortie contraint la Banque d'Angleterre à débloquer 250 milliards de livres (326 milliards d'euros) pour endiguer les retombées du Brexit. Par contre, l'implosion n'est pas à écarter. Ainsi, la Première ministre écossaise Nicola Sturgeon a déclaré, hier, que sa région «voit son avenir au sein de l'UE», tandis qu'en Irlande du Nord, le Sinn Fein, favorable au maintien dans l'UE, a appelé pour sa part à un référendum sur «une Irlande unifiée». Même la succession de Cameron risque de donner lieu à de graves soubresauts, l'ex-maire de Londres et partisan du Brexit, Boris Johnson, étant taxé d'opportunisme au sein du parti tory. La mécanique du chantage et du démembrement a démarré. Plutôt que d'agiter la muletta du terrorisme, dont le tandem Bush-Sarkozy garde l'entière responsabilité, l'UE devrait faire face au plus grand défi de son histoire récente: la relance des investissements et partant de la croissance, garante d'emploi. Les peuples veulent autre chose que le grand marché dont profitent les banques et les entreprises, ils attendent un grand projet dans lequel ils se sentiront réellement impliqués. Et cela, ni Merkel ni les autres dirigeants ne semblent prêts à l'entendre.