La fin du mythe black-blanc-beur? «Si je dis: l'Algérie aux Algériens, tout le monde dit bravo!!! la Turquie aux Turcs, tout le monde dit bravo!!! la Palestine aux Palestiniens, tout le monde dit bravo!!! Mais quand je dis la France aux Français, on me traite de raciste!» Coluche L'Euro 2016 en France a été l'occasion de voir en direct ce que peut faire le nationalisme quand il est manipulé par les élites politiques et la presse aux ordres à la fois du politique, de la finance de l'idéologie voire même du religieux. Dans le même ordre, suite aux différentes tueries aux Etats-Unis on s'aperçoit que la plaie du racisme est toujours ouverte et que les Afro-Américains sont toujours considérés comme des citoyens de seconde zone. Même le président des Etats-Unis qui ne s'arrête pas d'appeler à la compréhension mutuelle ne se fait plus entendre d'autant qu'il est sur la fin de son mandat. Le défi ne fut pas relevé, on parla même de théorie du complot. Selon certains supporters français très chauvins, l'équipe de France aurait été volée en finale de l'Euro. La raison? deux erreurs d'arbitrage successives qui auraient précipité les Bleus vers la chute. Un peu tiré par les cheveux quand même... La fameuse théorie du complot. Et ce but d'Eder, inscrit en prolongation, reste en travers de la gorge de beaucoup de supporters. Au lendemain on parle encore de Benzema. Noel Le Graet déclare: «Il y a une affaire en cours, il faut voir l'évolution de cette affaire. C'est un grand joueur, il n'est pas suspendu à vie. Laissons le temps au temps. Une précision tout d'abord, je n'apprécie pas du tout le comportement bling bling de ce joueur pour l'image qu'il donne. Rien à voir avec la discrétion d'un Zidane, voire d'un Cristiano Ronaldo qui a décidé d'aider les enfants palestiniens en leur octroyant un chèque de 1, 5 million de dollars ou même d'un Lionel Messi qui a fait don au Croissant-Rouge d'une ambulance médicalisée. Cependant, il est important de nommer les choses. L'affaire Benzema montée de toutes pièces a été du pain bénit pour les stratèges de l'Equipe de France (fédération entraîneur et en même temps le politique) il fallait à tout prix éviter une France Black Black Beur qui a permis à la France d'accéder au sacre suprême, la Coupe du monde. Cette même équipe qui a révulsé Alain Finkielkraut qui a traité les joueurs allogènes de caillera rappelant ainsi une certaine phrase de Nicolas Sarkozy et son karcher. Que doit dire encore le ci-devant académicien avec une équipe de France de 2016 avec huit titulaires noirs? Les trois poids, deux mesures Il est important de signaler que les trois joueurs en question ont une ascendance étrangère. Michel Platini est un immigré de la deuxième génération, son grand-père piemontais est venu en France et c'est là qu'est né Michel Platini. Nicola Karabatic, lui, est un serbo-croate né en Croatie et Karim Benzema né à Lyon est un beur dont les grands-parents sont venus d'Algérie. Dans ce propos je veux prendre exemple de l'affaire de trois joueurs et d'un dirigeant que la presse et le pouvoir politique ont tout fait pour protéger. Commençons par le plus grave. Celui de Michel Platini condamné pour avoir perçu un pot-de-vin de 2,5 millions de dollars de la part de Sepp Blatter pour petits arrangements entre amis. La presse française a d'abord tout fait pour minimiser l'affaire allant même jusqu'à accuser le tribunal qui l'a jugé d'imcompétence et de partialité. Ensuite, devant les arguments faibles de l'intéressé, le rôle de la presse et du pouvoir est de le faire oublier. Où est le comportement exemplaire? Peut-on parler de racisme institutionnel? «Deux personnalités du football français lit-on dans la contribution suivante, sont dans une tourmente judiciaire. Karim Benzema, attaquant du Real Madrid, a été mis en examen pour complicité de chantage dans l'affaire de la «sextape». Le second, Michel Platini, président de l'UEFA a été condamné et suspendu à toutes activités liées au football pour 8 ans, on lui reproche une gestion déloyale et un conflit d'intérêt pour avoir reçu un versement de 1,8 million d'euros de Sepp Blatter qui ne repose sur aucune base juridique (ce qui ressemble à un pot-de-vin). «Michel Platini est président de l'UEFA, de par son ancienneté, on devrait être plus exigeant vis-à-vis de lui en termes d'exemplarité que de Benzema. Karim Benzema est présumé coupable alors qu'il n'a pas encore été jugé ou condamné. Michel Platini, lui, par contre, a longtemps bénéficié d'une présomption d'innocence. Les médias français résument cette affaire comme un complot contre Platini. (...) Par contre, Karim Benzema est loin de bénéficier d'une telle indulgence. Bien au contraire, il est présumé coupable et est lynché en public par la presse, l'opinion publique et certains politiques.(...) On peut se demander finalement pourquoi tant de personnes se donnent du mal pour exclure un footballeur de l'équipe de France. Finalement, ils obtiennent gain de cause, lorsque la FFF suspend Benzema à durée indéterminée de l'équipe de France en décembre 2015.» (1) «Le manque d'exemplarité que l'on attribue à Benzema peut s'exercer envers d'autres sportifs français, Nicolas Karabatic pour ne citer que lui a été condamné pour un paris truqué sportif, mais n'a pas subi un tel lynchage ni même été suspendu par sa fédération. On a même autorisé un racisme institutionnel en ayant l'idée d'effectuer des quotas pour limiter les binationaux. (...) Ces footballeurs doivent avoir de bons résultats sportifs, une conduite exemplaire et crier leur attachement à la France sous peine d'être soupçonnés. Et s'ils ont un écart de conduite, ils deviennent des traîtres de la nation et ne sont plus dignes de porter le maillot national. C'est la raison pour laquelle, Benzema subit un tel acharnement, ce ne sont pas ses actes qui l'amènent à l'échafaud mais plutôt ce qu'il représente auprès de l'opinion publique et des médias: une racaille. Ce qui est choquant n'est pas qu'il soit sanctionné pour ses actes, mais plutôt l'inégalité de traitement dont les médias font preuve envers les footballeurs issus de l'immigration. D'un côté on exige une exemplarité à des jeunes footballeurs parce qu'ils représentent la nation. Par contre, au niveau des représentants institutionnels, qui se permettent d'effectuer des actes discriminatoires ou encore perçoivent des versements illégaux, il ne sont pas concernés par ce souci d'intégrité» (1). Le délit de faciès et de religion honnit Au rang des grands déçus figure Guy Roux, l'ancien entraîneur de l'AJ Auxerre, pour qui ce carton rouge de l'exclusion est indéniablement lié aux origines du buteur des Bleus. «Si Benzema a été privé de l'Euro, c'est en raison de ses origines! «Il faut avoir le courage de le dire. S'il s'appelait Jean-Claude et était né à Brest, on ne parlerait pas autant de cette affaire», a-t-il lâché, ajoutant: «Mais son problème est de s'appeler Karim. C'est déplorable, mais c'est ainsi. Aux yeux de certains, il paie ses origines. Il faudra un siècle avant que ce genre de préjugés disparaisse.» C'est un sacré tacle que Guy Roux administre à la bien-pensance hexagonale et à un arbitrage soumis à de multiples pressions, notamment de la part de l'occupant de Matignon, Manuel Valls en personne, comme s'en indignait récemment le ténor du barreau Eric Dupond-Moretti, qui ont scellé le sort de Benzema sans sourciller.» (2) Même avis celui d'Eric Cantona qui a eu le courage de nommer les choses ́ ́Benzema est un grand joueur, Ben Arfa est un grand joueur. Mais Deschamps, il a un nom très français. Peut-être qu'il est le seul en France à avoir un nom vraiment français. Personne dans sa famille n'est mélangé avec quelqu'un, vous savez. Comme les Mormons en Amérique ́ ́. En fait, cela n'est pas étonnant le précédent sélectionneur Laurent Blanc a proposé des quotas ethniques. Laurent Blanc a été directement mis en cause, notamment pour ses propos soutenant le principe de quotas lancé lors de la réunion du 8 novembre 2010. L'exemplarité et l'intrusion du politique Parlant de son exemplarité, Benzema dans un tweet rappelle le nombre de cartons jaunes et rouges qu'il avait écopés durant sa carrière. «Douze saisons que je suis professionnel: 541 matchs joués, 0 carton rouge, 11 cartons jaunes! Et certains parlent de mon exemplarité?» Ce n'est donc pas la compétence qui compte, mais la provenance. On le voit tout est blanc pour trouver des subterfuges, notamment l'exemplarité. Manuel Valls dont on se souvient de son souhait de voir des blancos dans sa ville n'a pas été tendre avec Karim Benzema lorsqu'il s'est agi de commenter les déboires actuels de l'attaquant de l'équipe de France dans l'affaire dite de la «sextape» de Mathieu Valbuena. Yannick Cochennec écrit: «Un grand sportif doit être exemplaire, a déclaré l'hôte de Matignon, mardi 1er décembre, sur les ondes d'Europe 1. (...) S'il ne l'est pas, il n'a pas sa place en équipe de France.» Fin septembre, le Premier ministre avait été autrement plus doux, ou moins violent, au moment de donner son avis sur Michel Platini, candidat dans la course à la présidence de la FIFA,: «Nous avons la chance, en France, d'avoir Michel Platini, qui fut un très grand sportif et qui est un grand dirigeant à la tête de l'UEFA. Je lui fais entièrement confiance.» «On le voit bien, Benzema est déjà cloué au pilori et condamné (notamment par un Premier ministre) parce qu'au mépris incroyable de la procédure judiciaire, il voit les écoutes de ses échanges téléphoniques puis le compte-rendu de ses réponses devant la juge d'instruction publiés dans la presse.»(3) Où va l'intégration? la nouvelle mort de la «France black-blanc-beur» Pour Jeremy Collado, l'Euro 2016 sonne la mort de la France multicolore: «La compétition pourrait enterrer définitivement un mythe né lors de la Coupe du monde 1998. (...) Quand la France, cette année-là, lamine le Brésil en finale, la performance est si forte qu'il faut inventer un mythe qui puisse la prolonger, qui lui survivra et aura droit de cité dans les manuels scolaires. Intellectuels, politiques, joueurs: tous façonnent alors, quasiment à l'unisson, un portrait flamboyant d'une France qui intègre ses «minorités», une France dans laquelle ils veulent se reconnaître, comme un miroir de l'époque qui leur renvoie l'image qu'ils veulent absolument voir. (... le symbole d'une équipe «black-blanc-beur», fraternelle, optimiste et idéologique. Le symbole d'une «France tricolore et multicolore», selon les mots de Jacques Chirac, qui ne connaissait rien au foot, mais tout à la politique. (...) Cette France black-blanc-beur, certains s'en réjouissent et vantent ainsi l'espoir d'un pays qui vit pour une équipe qui lui ressemble. «Les jeunes beurs, en 1998, disaient: ́ ́Nous aussi, nous sommes des Français ́ ́. (...) En 2006, c'est le maire de Montpellier, Georges Frêche, qui lance les hostilités de la façon la plus caricaturale qui soit: «Dans cette équipe, il y a neuf blacks sur onze. La normalité serait qu'il y en ait trois ou quatre. Ce serait le reflet de la société. Mais là, s'il y en a autant, c'est parce que les Blancs sont nuls. J'ai honte pour ce pays. Bientôt, il y aura onze blacks. Quand je vois certaines équipes de foot, ça me fait de la peine.» (4) «Ce mythe d'une France multicolore et apaisée, saluant la victoire d'un modèle d'intégration, va surtout mourir en grande pompe lors du fiasco sud-africain de Knysna, en 2010. «On est passé de la génération Zidane à la génération ́ ́caillera ́ ́», lâche alors Alain Finkielkraut. (...) Les «minorités» nous avaient fait gagner en 98. (...) On passe d'une glorification des origines à la suspicion permanente renforcée par ces mêmes origines, manège dans laquelle l'affaire des quotas, en 2011, a encore remis une pièce... (...) Sous la pression du Premier ministre Manuel Valls, qui crut bon de s'exprimer sur l'affaire pour demander la non-convocation de Benzema, Deschamps et Le Graët ne le convoqueront pas pour l'Euro 2016(...) Il y a vingt ans, Benzema aurait été un Français «issu de l'immigration» qui fait le bonheur d'une équipe de France qui a toujours été, de Platini à Kopa en passant par Tigana, une machine à intégrer. Aujourd'hui, comme Nasri, viré pour son comportement, comme Ben Arfa, jugé ingérable un temps, Benzema est le symbole d'une France qui essentialise, corrompue par une idée qui voit dans des Français des gens d'origines différentes.»(4) Même l'avocat de Benzema s'insurge: «J'ai défendu (Nikola) Karabatic, et je vous ferais remarquer que Karabatic, mis en examen, a été sélectionné, fort heureusement pour le sport et l'équipe de France ́ ́, a déclaré le 19 mars dernier le nouvel avocat de Karim Benzema, le célèbre Eric Dupont-Moretti. Considéré comme l'un des tous meilleurs joueurs de handball du monde, Nikola Karabatic a été mis en examen à l'automne 2012 dans une affaire de paris suspects. Reconnu coupable lors du procès tenu en juin 2015, Nikola Karabatic a été condamné pour escroquerie à 10.000 euros d'amende. Il clame toujours son innocence et attend encore son procès en appel. Si l'affaire a touché directement aux principes éthiques de son sport, Nikola Karabatic n'a jamais vu les portes de l'équipe de France se refermer.»(5) Pour le journaliste Guillaume Dufy: «Ces déclarations traduisent à mon sens un vrai malaise sociétal en France. J'ai le sentiment que les personnes qui vivent dans les banlieues et celles qui sont originaires du Maghreb se sentent mises à l'écart (...) Quand on voit que personne ne parle d'Earvin Ngapeth, le volleyeur de l'équipe de France, déjà condamné à de la prison avec sursis à deux reprises, et de Nikola Karabatic, condamné pour escroquerie...Je trouve que ce qui arrive à Karim Benzema est disproportionné. (...) Aux yeux de l'opinion, Karim Benzema est un récidiviste. (...) Quand c'est lui, c'est toujours particulier car il a des origines algériennes. (...) On connaît l'histoire entre la France et l'Algérie. (...) Je ne suis pas sociologue. Je pense qu'elle montre que notre société ne va pas très bien. Je pensais qu'après les attentats, la France allait être unie pour l'Euro 2016. Ce n'est pas le cas. On ne cesse de fustiger l'Autre, les banlieues, les musulmans.»(6) Pour en revenir à l'Euro 2016, on peut comprendre l'amertume de l'équipe de France qui n'a brillé qu'une fois lors du match avec l'Allemagne et là il faut le regretter il y eut un battage médiatique qui nous rappelle que le contentieux séculaire avec l'Allemagne peut ressurgir à tout moment. La récupération politique est la dimension la plus tragique surtout quand elle est relayée par des médias complaisants, complices, à savoir dans cette atmosphère qui rappelle les replis chauvinistes des Etats sur ce qu'ils croient être leurs invariants, leurs socles rocheux identitaires, à savoir l'appartenance première et la religion. Aucun pays n'est à l'abri du racisme. L'Algérie n'a pas de leçon à donner dans ce sens, nous devons nous reprocher beaucoup de choses à ce propos. Cependant, nous ne nous intronisons pas donneurs de leçons pétris des droits de l'homme dont on connaît de plus en plus les limites. Le monde ira de plus en plus vers des replis identitaires et les allogènes auront du souci à se faire. 1.http://www.rpmedias.com/benzemaplatini-manuel-valls-presse-instaurent-racisme-institutionnel-foot/ 2.http://www.sport.fr/football/l-equipe-de-france-de-football-guy-roux-si-benzema-s-appelait-jean-claud-394152.shtm 3.Yannick Cochennec http://www.slate.fr/story/111009/benzema-platini 4.Jérémy Collado http://www.slate.fr/story/118035/euro-2016-france-black-blanc-beur 5.http://www.lexpress.fr/actualite/sport/football/benzema-victime-d-une-justice-d-exception_1782812.html 6.http://sport24.lefigaro.fr/le-scan-sport/2016/06/06/27001-20160606ARTFIG00111-guillaume-dufy-ce-qui-arrive-a-karim-benzema-est-disproportionne.php